Jeunesse

Viré au vert

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Quand un ado un rien caricatural est envoyé par ses parents chez sa grand-mère, dans un lieu isolé d’Islande, le pire est à craindre. Car celui-ci s’ennuie d’abord ferme, sans ordinateur ni jeux vidéos, sans films pornos devant lesquels se masturber ni rap à se mettre dans les oreilles. Mais l’auteur de Viré au vert, Arnar Már Arngrímsson (né en 1972) s’en sort plutôt bien et parvient à extraire Sölvi, son personnage de garçon de seize ans, de sa bulle. Et au bout d’un moment, ce Sölvi découvre que le monde existe autour de lui, un monde autre que numérique, et quitte le lycée pour travailler avec Tomas, qui lui fait office de tuteur. Un bon roman pour les ados, qui peut être lu par des adultes.

 

* Arnar Már Arngrímsson,Viré au vert(Sölvasaga unglings, 2015), trad. Jean-Christophe Salaün, Thierry Magnier, 2018

La Mouche qui arrêta la guerre

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Trois mouches sont rongées d’inquiétude : les humains qui habitent la maison dans laquelle elles vivent ont commandé une nouvelle arme redoutable : une tapette à mouches électrique. Les voici obligées de fuir. Direction le Népal, où, selon un documentaire télévisé que l’une d’entre elles a vu, jamais les moines ne feraient de mal à une mouche. Comme il n’y a pas de vol direct, elles prennent l’avion jusqu’à Assambad, ville dévastée par la guerre, avant de trouver un moine et de le suivre parmi les siens. « Les moines étaient des hommes sages, qui avaient choisi de vivre en paix avec tous les être vivants du monde. Ce n’était pas la voie de la facilité, plutôt celle du bonheur. » Mais l’odeur des fleurs et les infusions leur font perdre leur appétit ; elles souhaitent retourner à Assambad où, hélas, la guerre, pressentent-elles, de nouveau se prépare. Comment faire pour l’empêcher ? Elles sont petites et noires, personne ne les voit, comme si elles n’existaient pas. Elles doivent pouvoir agir. Elles doivent pouvoir empêcher le « chef de guerre » de poursuivre ses sinistres opérations. La vie est « une chance », elles sauront bien l’en convaincre. Le salut par les mouches ? « Une gigantesque leçon », que les mouches elles-mêmes rapporteront en écrivant un livre ! Belle histoire, que conte là Bryndís Björgvinsdóttir (née en 1982), professeure à l’Iceland Academy of the Arts, auteure d’autres livres, primés à plusieurs reprises, pour les enfants et les adolescents, et à l’initiative, en 2015, d’un appel pour l’accueil des migrants syriens en Islande.

 

* Bryndís Björgvinsdóttir, La Mouche qui arrêta la guerre (Flugan sem stöðvaði stríðið, 2011), trad. Ingveldur St. Ivanez, Bayard (Jeunesse), 2016

 

Alli Nalli et la lune

Très bonne idée, que d’éditer enfin en français ce classique islandais de la littérature jeunesse : Alli Nalli et la lune. Avec Vilborg Dagbjartsdóttir (née en 1930) pour le texte et Sigriður Björnsdóttir (née en 1929) pour les illustrations, sous l’influence de l’artiste suisse Dieter Roth (1930-1998). « Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Alli Nalli. Il disait toujours non quand sa maman lui servait son potage le soir. (…) Un jour, elle finit par perdre patience et lui dit : Je vais donner ton potage à la Lune ! » Conçu comme un ouvrage à déplier, avec un texte allusif très court, des illustrations géométriques et des aplats de couleurs, il n’a d’abord pas très bien marché en Islande, avant d’être réédité et de trouver son public : celui des enfants, certes, mais aussi celui des adultes attentifs à son originalité et à sa qualité graphique avant-gardiste. Un classique, bien sûr.

 

* Vilborg Dagbjartsdóttir & Sigriður Björnsdóttir, Alli Nalli et la lune (Alli Nalli og tunglið, 1959), trad. Jean-Christophe Salaün, postface Carine Picaud, Albin Michel Jeunesse/Bibliothèque nationale de France, 2020

 

Sanglant hiver

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Islande, aujourd’hui. Bergljót est une adolescente qui rêve de se rendre à une soirée et d’approcher enfin Grímur, un garçon à peine plus âgé qu’elle. Bragi, son jeune frère, n’aime pas trop le tofu. Quand ils ne sont pas contents face à leurs parents ou face au monde entier, ils ne prononcent « quasiment plus un mot pendant le reste du repas ». Bergljót et Bragi partent dans la maison de campagne familiale avec leur père, tandis que leur mère est retenue à Reykjavík pour raison professionnelle. Soudainement, autour d’eux, les humains se mettent à vomir, avant de mourir, et de mystérieuses créatures les dévorent. Des extraterrestres ? Des montres surgis des profondeurs marines ? Il n’y a bientôt plus âme qui vive. « La nation entière semblait avoir plié bagage. » Bragi disparaît et Bergljót se retrouve seule avec son père, avant qu’un inconnu peu sympathique et une policière les rejoignent. Quel terrible événement s’est produit ? Une attaque extraterrestre, avec la complicité d’une bonne partie de la population humaine ? Serait-ce donc la faute à la « cupidité », comme l’affirme Viking, un vieil homme qui passe son temps à surveiller les extraterrestres, convaincu qu’ils sévissent sur notre planète depuis fort longtemps. « Ces créatures sont loin d’êtres bêtes ! Ce sont des guerriers surentraînés d’un autre monde, des soldats avec plusieurs millions d’années d’expérience ! » Les sacrifices humains des Indiens d’Amérique centrale, naguère, leur sont imputables. Comme… le génocide perpétré par les nazis. Car « les dieux étaient des extraterrestres ». Nos dieux. La folie des hommes s’explique ainsi. La planète Terre n’est que le garde-manger de ces êtres sans pitié. Bragi et Bergljót échapperont-ils aux extraterrestres ? Signé Hildur Knútsdóttir (née en 1984), Sanglant hiver est un vrai roman de science-fiction, avec une intrigue finement développée et d’intéressantes questions de fond. Récompensé par le Prix de la littérature féminine islandaise, catégorie Jeunes adultes, en 2016, ce premier tome d’un diptyque devrait réjouir plus d’un ado, voire nombre d’adultes.

 

* Hildur Knútsdóttir, Sanglant hiver (Vetrarfrí, 2016), trad. Jean-Christophe Salaün, Thierry Magnier, 2017

Saute-Mouton en Islande

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S’inscrivant dans la série Le Tour du monde de la famille Rollmops, ce roman pour enfants, Saute-mouton en Islande, signé Anne Schmauch (née en 1978) et illustrée par Camille Roy (née en 1985), met en scène une famille recomposée, les Rollier et les Mopsin, autrement dit les Rollmops. Il y a Lisette, la maman, Georges, son amoureux, Léonard, le fils de huit ans de Lisette, Avril, quatorze ans, la fille de Georges et enfin Martial, quatre ans, l’enfant des deux adultes. Tous ont l’habitude de parcourir le monde dans un van baptisé la Fourmi. Destination de ce volume : l’Islande. Les voici accueillis par un petit tremblement de terre. « Le grondement n’a duré que quelques instants. » Mais peut-être va-t-il se reproduire ? Les enfants sont bien sûr dans l’attente de voir apparaître un troll. Quand une catastrophe menace de les anéantir, leur salut vient d’un petit cheval islandais.

* Anne Schmauch, Saute-mouton en Islande (illustrations Camille Roy), Milan (7 lieues), 2024

La Fille qui jouait avec le feu

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La Fille qui jouait avec le feu : écrit en anglais, traduit en français, ce roman de Sif Sigmarsdóttir (journaliste et auteure pour la jeunesse – on trouve d’elle ici Moi Edda, reine des faux plans) prend l’Islande d’aujourd’hui pour cadre et s’adresse plutôt aux adolescents (« Il n’y a que les vieux pour communiquer par e-mails. Les gens qui ont plus de trente-cinq ans. »). Une jeune influenceuse résidant à Londres, victime de harcèlement et d’abus sexuels par son supérieur dans le secteur de l’informatique, est envoyée à Reykjavík pour développer les activités de l’entreprise. Elle découvre que son harceleur l’y a précédée et que les services secrets russes tentent de s’approprier une technologie peu soucieuse des règles du droit. « Nous proposons : de la manipulation de plate-formes (…) ; des campagnes de désinformations secrètes ; des outils permettant d’accentuer les clivages politiques ; des stratégies permettant de semer la discorde parmi des groupes ciblés établis sur des bases démographiques... » Rien que de très démocratique ! Dans le genre romans ados ou jeunes adultes, La Fille qui jouait avec le feu n’est pas le plus mauvais. À condition toutefois de sauter les très nombreuses descriptions vestimentaires et d’ignorer les noms de marques – en veux-tu, en voilà !

* Sif Sigmarsdóttir, La Fille qui jouait avec le feu (The Sharp edge of a snowflake, 2019), trad. de l’anglais, Grande-Bretagne, Corinne Daniellot, Casterman, 2020