Société

Mettez du lagom dans votre vie !

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Ce ne sera peut-être qu’une mode mais le lagom, cette manière de vivre venue de Suède (à l’instar du hygge venu du Danemark), mérite plus. Préconisant la sobriété dans tous les domaines, cette philosophie fait écho à la théorie de la décroissance encore trop confinée, hélas ! aujourd’hui. « Le secret du lagom tient en deux mots : de l’espace et de la modération. » Et Solvej Berggre, qui confie partager son temps entre la France et la Suède, de rapporter dans ce livre, Mettez du lagom dans votre vie !, quelques expériences typiquement suédoises en les agrémentant de réflexions de blogueurs (ou surtout de blogueuses) qui se font les avocats du diable. « Les Suédois aiment leurs villes, leurs campagnes, et ils le montrent en en prenant soin (…). Un papier traîne ? Ils le ramassent. Sans se demander qui ne l’a pas jeté au bon endroit. » Cette vision civique des choses, citoyenne pourrait-on dire, facilite la vie de tous. Débarrassée de ces mille petits stress du quotidien, notre vie verdit et s’en trouve améliorée à peu de frais. « Je ne suis pas utopiste au point de me dire que le mode de vie suédois va s’implanter dans les entreprises françaises, mais je vous propose… des petits pas. » Ni trop, ni trop peu. Lagom, en sorte. C’est-à-dire « vivante et harmonieuse ».

 

* Solvej Berggren, Mettez du lagom dans votre vie !, Marabout, 2017

Ma grande famille

« Notre patrimoine n’est qu’un commencement. (…) Ensemble, l’inné et l’acquis conditionnent notre identité et notre santé. Les deux sont liés. Seuls ceux qui sont très mal informés pensent qu’il existe une contradiction entre ces deux pôles. Des personnes très mal informées ou aveuglées par l’idéologie. » Journaliste scientifique au Dagens Nyheter, Karin Bojs (née en 1959) décide, avec Ma grande famille, de retrouver ses origines familiales. Un prétexte, à vrai dire, pour examiner le peuplement de l’Europe au cours de ces cinquante derniers millénaires. Si la généalogie familiale relie les époques, avec la Suède au centre, c’est un processus beaucoup plus vaste que l’auteure examine. Extrêmement documenté, savant sans être abscons, Ma grande famille fait partie de ces ouvrages de vulgarisation qui parviennent à toucher des lecteurs jusqu’alors plutôt réticents au sujet. « L’Europe s’est développée par étapes et, à chaque étape, dans le sillage des migrations. Les humains modernes se sont métissés avec les néandertaliens... » Qui sommes-nous, d’où venons-nous... ? De nouvelles bribes de réponse.

 

* Karin Bojs, Ma grande famille (Min europeiska familj. De forsta 54 000 år, 2015), trad. Hélène Hervieu, Les Arènes, 2020

Greta Thunberg, la voix qui secoue la planète

Journaliste pour la presse people (Biba, Elle, Closer...), Maëlle Brun a déjà signé deux biographies : Brigitte Macron l’affranchie et George Clooney, une ambition secrète. Elle livre à présent un ouvrage consacré à Greta Thunberg, la voix qui secoue la planète. Pas de révélation, ici, mais le parcours retracé pas à pas de la jeune militante écologiste suédoise. Ses parents : Malena Ernmann, chanteuse lyrique représentant la Suède au concours de l’Eurovision en 2009, et Svante Thunberg, acteur de moindre renommée que sa femme. Née en 2003, atteinte du syndrome d’Aspeger, Greta refuse quelque temps de s’alimenter, avant de se passionner pour l’écologie et de décider de faire une « grève scolaire pour le climat » (« Skolstrejk för klimatet ») tous les vendredis. L’initiative remporte un succès qui va croissant, au point de faire de l’adolescente une véritable égérie. Greta Thunberg a ses détracteurs. On peut, peut-être, lui reprocher certaines relations – et fermer les yeux sur les relations des rois de la finance ou du pétrole, qui, eux, sont bien sûr au-dessus de tout soupçon. Elle peut agacer – peut-être. Ou même susciter l’ire des réactionnaires habituels. « ...De toute l’Europe, la France est le pays où les critiques sont les plus virulentes », note un ami de Greta. L’inénarrable Michel Onfray va jusqu’à parler de la « ventriloquie de la jeune fille », lui que l’on sait atteint de putrescence intellectuelle. Ce qui n’empêche que le réchauffement climatique n’est pas qu’une vue de l’esprit et prétendre, comme l’a fait récemment le malade mental à la tête des États-Unis, que le climat refroidira un jour ou l’autre, est irresponsable et relève de l’homicide volontaire sur la population terrestre. Bravo, Greta, pour cette volonté, ce courage, cette intelligence qui portent ton combat. Notre combat, aussi et forcément, car, pour l’heure et pour encore un long moment, nous vivons tous sur une même planète dont l’état ne cesse de se dégrader. Cette biographie n’est pas l’œuvre d’une militante, elle reste très succincte, volontiers people, s’attardant sur les attaques dont la Suédoise est victime plus que sur le fond de son discours (rien, par exemple, sur les incendies de forêts de l’été 2018 en Suède, prélude à l’engagement de Greta), elle s’ajoute à une liste comportant déjà de nombreux ouvrages. En attendant mieux.

 

* Maëlle Brun, Greta Thunberg, la voix qui secoue la planète, L’Archipel, 2020

 

 

 

Le Syndrome du bien-être

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Les toutes premières pages de l’ouvrage de Carl Cederström et André Spicer, Le Syndrome du bien-être, donnent le ton : « On aurait du mal à imaginer Jean-Paul Sartre et ses camarades de la rue d’Ulm se préoccuper de leur bien-être pendant leurs études (…). Il va sans dire que la gravité des enjeux politiques et philosophiques l’emportait de loin sur les considérations d’ordre sanitaire. » Sartre est peut-être un peu excessivement porté aux nues, selon nous, mais la remarque n’en est pas moins intéressante. Le bien-être, c’est-à-dire la recherche de la santé physique et mentale, est aujourd’hui un objectif consensuel au point qu’il en est suspect. « Lorsque être heureux et en bonne santé devient la norme, ceux qui échouent à rentrer dans le moule portent inévitablement les stigmates de l’échec. » Et Carl Cederström et André Spicer d’évoquer ici divers exemples (dont certains au Danemark ou en Suède), tous pourtant apparemment anodins. Au nom de notre santé, une idéologie se met en place, affirment-ils, une « optique réductionniste » qui évince les problèmes de fonds. Les individus sont culpabilisés parce qu’ils mangent de mauvais aliments, qu’ils sont, conséquence logique, trop gros ou trop souvent malades, alors que l’indignation ne porte pas sur leurs conditions de logement déplorables ou sur le chômage qui les frappe. Cette « optique » sélective n’est bien sûr pas neutre politiquement, bien qu’elle s’effectue aujourd’hui avec l’assentiment de quasiment tous les partis politiques. Elle est profondément réactionnaire, assurent les deux auteurs, et s’accompagne de mesures relevant plus de la philanthropie que de la juste répartition des richesses. Des présentateurs télés conseillent d’améliorer la qualité des repas dans les cantines scolaires, d’autres, du même acabit, défendent la commercialisation de véhicules électriques : surtout, prétendent-ils ainsi, ne changeons pas l’essentiel, la hiérarchie sociale et la marchandisation du monde, contentons-nous de le rendre moins oppressant. Au fond, tout cela vise « à légitimer les injustices, la pauvreté et les divisions de classes. Les pauvres ne sont pas en proie à des inégalités structurelles ; ils manquent juste de bonne volonté pour sortir de leur condition. » On nous prend pour des imbéciles : nous le savons, tant cela est flagrant, souvent, il suffit d’allumer la télé ou d’écouter nos têtes pensantes officielles. Il n’est cependant pas inutile de nous le rappeler, comme s’y exercent dans ce livre, Le Syndrome du bien-être, Carl Cederström et André Spicer.

 

* Carl Cederström et André Spicer, Le Syndrome du bien-être (The Wellness syndrome, 2015), trad. de l’ang. Édouard Jacquemoud, L’Échappée, 2016

Respect

Être un homme est plus compliqué qu’il n’y paraît. Les règles d’hier sont aujourd’hui bouleversées, elles sont même souvent condamnées. La masculinité se porte mal, vite traitée de virilité, voire de machisme. Le respect dû aux femmes s’accommode difficilement des valeurs que les pères transmettaient à leurs garçons il y a peu encore. Dans cet essai, Respect, Inti Chavez Perez, sexo-pédagogue, explore tout ce qui relève de la sexualité masculine : « la taille de la bite », par exemple, « le désir », « être amoureux », « sa toute première fois », etc. Il tente de décrire ce que pourrait être une masculinité moderne, non agressive, qui accepte comme allant de soi les différentes expressions de la sexualité – l’hétérosexualité n’étant pas la norme, mais une possibilité parmi d’autres. La masculinité « ...est un système de règles tacites qui reposent d’autant moins sur une vérité incontestable qu’elle varie selon les régions, les établissements scolaires, les âges ». Et toujours avec respect, bien sûr !

 

* Inti Chavez Perez, Respect (Respekt – en sexbok för killar, 2010), trad. Jean-Baptiste Coursaud, J.-C. Lattès, 2019 

Être parents aujourd’hui

Sous-titré « La méthode suédoise », ce livre, Être parents aujourd’hui, est signé Cecilia Chrapkowska et Agnes Wold, deux spécialistes de la maternité et de la pédiatrie en Suède. Leurs conseils tendent à l’exhaustivité et nombre de jeunes parents s’en réjouiront. Afin de mettre en place une égalité hommes-femmes, ou en l’occurrence pères-mères, elles recensent avec méthode les soins que nécessite un bébé. Des tout débuts, avec les « recommandations et interdictions pendant la grossesse », à « l’alimentation du nouveau-né », son « sommeil », ses « selles vomissements, pleurs et coliques », les « infections » et les « vaccins », jusqu’au « rôle de l’hérédité, de l’environnement et du groupe »... Les jeunes parents disposeront donc, avec ce livre, d’une sorte d’heureux mode d’emploi pour leur progéniture. La bienveillance, au centre de la méthode « à la suédoise », imprègne leurs conseils. « De toutes les périodes de la vie de votre enfant, c’est peut-être celle où il importe le plus de se concentrer sur l’essentiel et de faire le tri dans le déferlement d’exhortations, de publicités et de discours alarmistes. C’est la mission de cet ouvrage. » Parce que, être parent, ce n’est pas inné, c’est même quelquefois très difficile. Des règles sont à apprendre pour le bien et des parents et des enfants.

 

* Cecilia Chrapkowska/Agnes Wold, Être parents aujourd’hui (2017), trad. Anna Postel, relu par Amanda Postel, Robert Laffont, 2019

 

Un Ours dans la tête

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Encore un livre sur Greta Thunberg ? L’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac lui consacre un petit volume, un poche inédit, conçu sous forme d’abécédaire (de « Action » à « Zéro »), Un Ours dans la tête, faisant référence à l’image que la jeune suédoise a donnée pour expliquer son engagement : « Enfant, elle regarde un documentaire sur la fonte des glaciers qui perturbe le milieu de l’ours polaire, sa chasse et sa reproduction. Elle dira plus tard que l’ours est resté bloqué dans sa tête. » Répétons ici tout le bien que nous pensons de la jeune femme, que les vieux (et moins vieux) cons raillent faute d’arguments à faire valoir. « Nous devons voir cela comme une victoire, quand ils nous critiquent comme ça. C’est aussi tellement hilarant quand des adultes de ce type se sentent autant menacés par des enfants », rétorque Greta Thunberg. Le changement climatique en cours est causé par les activités humaines, il y a unanimité chez les scientifiques à ce sujet, et les responsables des États ne bronchent pas, ou pas suffisamment. Comment ne pas s’indigner ? Ce petit livre n’apprendra rien de plus aux lecteurs, si ce n’est qu’il n’est pas désagréable de retrouver la jeune femme à l’esprit vif et aux réparties justes. Le Covid, la guerre en Ukraine et le réchauffement climatique... ? Pour reprendre un slogan toujours d’actualité : gardons le pessimisme pour des temps meilleurs.

* Laurence Bertrand Dorléac, Un Ours dans la tête, Gallimard (Folio/Inédit), 2022

 

Désir d’IKEA

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« Le message est beau, simple, direct : horizons divers, passions des meubles, valeurs humanistes, culture d’inclusion, travail opiniâtre, épanouissement, recherche d’alter ego… (…) Nous voilà renseignés. IKEA, ce sont des valeurs. Chaque meuble véhicule les idées positives de la marque et son désir de changer le monde », affirme Samuel Doux, écrivain et scénariste, dans le petit essai qu’il consacre au géant du meuble suédois, Désir d’IKEA, Le Bonheur en pièces détachées. Et l’auteur de nous exposer comment l’entreprise s’est implantée dans le monde en prétendant être « bien plus qu’un marchand de meubles » : autrement dit, en proposant un véritable modèle de société à ses clients. Fondée par Ingvar Kamprad au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les magasins IKEA sont présents aujourd’hui dans la plupart des pays de la planète et n’en finissent pas d’inspirer écrivains et artistes divers (songeons, récemment, au roman de Grady Hendrix, Horrorstör, qui prend pour cadre les sous-sols d’un magasin de meubles suédois situé aux États-Unis ; ou Hej !, bande dessinée signée Maou, qui se passe dans un magasin nommé… IHEA ; ou encore, toutes ces séries télévisées dont le décor est directement puisé dans le catalogue de la marque). IKEA ne vend pas que des meubles ou des éléments de décoration, en effet, et, pour fidéliser ses clients, cherche à leur apporter un bien-être factice aux visées totalitaires, s’insurge Samuel Doux. « …À l’issue de cette exploration, de ces réflexions sur le système IKEA, comment ne pas songer que cette hydre contient dans sa culture même, c’est-à-dire dans son passé, dans ses valeurs, dans son organisations et ses objectifs, une forme de totalitarisme en puissance ? » Dans cet essai, Samuel Doux affirme faire partie des « mauvaises langues » et, si nous ne saurions le lui reprocher, interrogeons-nous tout de même sur ses propos. Comme Coca-Cola, Apple ou tant d’autres multinationales, IKEA est une entreprise capitaliste aux desseins forcément supranationaux. Qu’elle affirme œuvrer pour le bien de tous et développer une économie attachée aux questions éthiques et écologiques est certes un leurre, mais, après tout, n’est-ce pas le propre de telles entreprises de proposer du leurre ? La valeur ajoutée est le rêve et celui d’IKEA, fondé sur l’écologie, l’éthique ou encore la bienveillance, ne nous semble pas pire que celui mis en avant par d’autres marques et reposant sur le désir de puissance, de vitesse, de virilité, de compétition…

 

* Samuel Doux, Désir d’IKEA, Robert Laffont (Nouvelles mythologies), 2017

Lagom

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On connaissait la mode du Hygge danois. Voici qu’arrive le Lagom suédois. « Lagom n’a pas d’équivalent en français. Mais, il signifie grosso modo ‘ni trop ni pas assez, juste ce qu’il faut’. » À la différence du Danemark, la Suède est couverte de lacs et de forêts et sa conception du bien-être ne mésestime évidemment pas ce cadre exceptionnel. Place est donc accordée ici au respect de la nature et, de fait, à une vie quotidienne écologiste. La conception du lagom accorde une large place à la sobriété : on consomme le moins possible, par souci de préserver la nature, certes, mais aussi parce que la consommation ne saurait être un but en soi. « C’est une forme de bonheur… lagom – ni très démonstratif ni euphorique… et surtout on ne l’étale pas. Bref, mesuré. Et c’est exactement cette qualité d’équilibre qui semble être le secret d’un vrai bonheur durable. » Linnea Dunne livre ici les diverses techniques qui permettent de se sentir bien dans ses chaussures. Toutes sont très simples et à la portée de tous. « Avec son aversion pour le gaspillage et l’intérêt qu’il porte à l’équité, le lagom s’avère un ingrédient essentiel à la recette suédoise du succès. » Linnea Dunne n’hésite pas à se faire le chantre de la Suède. Bien présenté, avec ses jolies photos et les illustrations de Naomi Wilkinson, sans omettre quelques anecdotes sur la manière de vivre des Suédois (dont « l’expérience loppis »), Lagom est à lire et à méditer. « Il n’y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements », n’est-ce pas ?

 

* Linnea Dunne, Lagom (Lagom, The swedish art of balanced living, 2017), trad. de l’ang. Guillaume Marlière, Hachette (Loisirs), 2017

À la poursuite du Thunder

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Le Thunder était l’un des plus célèbres navires de pêche pirates. Interpol le pourchassait depuis longtemps, en vain. À l’heure où s’épuisent les réserves halieutiques des océans les plus éloignés, faire respecter des règles internationales est une priorité. Le capitaine suédois Peter Hammarstedt, membre de l’ONG Sea Shepherd fondée par Paul Watson, se lance à sa poursuite avec son bateau, le Bob Baker. « Certains braconniers utilisent les mêmes canaux que les trafiquants de stupéfiants. Ils peuvent être extrêmement dangereux », révèle un protagoniste de la traque. « ...L’industrie du poisson et des crustacés (est) utilisée à la fois comme canal de distribution pour les stupéfiants et pour blanchir les profits du trafic. » Entre l’enquête, le thriller, le roman d’aventure et le roman de mer, À la poursuite du Thunder écrit par Eskil Engdal et Kjetil Sæter, tous deux journalistes d’investigation dans la presse norvégienne, atteste de l’impunité dont profitent les membres d’une mafia particulière, celle qui tire profit de l’extinction des espèces, en l’occurrence de la légine, un poisson qui ne vit que dans cette région et dont la chair ravit les gourmets. Faute de lois adaptées et impuissants devant une corruption à tous les niveaux, les États ont souvent renoncé à traduire en justice les responsables de cette pêche – avec des filets de quarante ou cinquante kilomètres de long. D’où la création et l’intervention de Sea Shepherd, ONG issue des rangs de Greenpeace, organisation jugée trop molle par certains militants écologistes. « Notre but n’est pas de mettre un terme à la pêche à la légine, mais à son braconnage », explique Peter Hammarstedt, principal acteur de cette interminable traque navale – « de l’Antarctique jusqu’au large de São Tomé en passant par le cap de Bonne-Espérance ». Sans doute ne devrait-il pas être dans les compétences d’une organisations privée de veiller à l’application de la loi, même sous couvert d’Interpol, mais puisque les États se révèlent incompétents... et puisque, surtout, l’urgence (disparition programmée d’espèces animales) oblige à agir dès aujourd’hui : passer à l’action directe écologique ne saurait être moralement répréhensible, bien au contraire. Documenté, argumenté, ce livre, À la poursuite du Thunder, peut être lu comme un bien pratique mode d’emploi d’une certaine action militante écolo de grande ampleur (et peut-être, souhaitons-le, qu’après sa lecture manger du poisson à l’origine indéterminée n’ira plus de soi).

* Eskil Engdal & Kjetil Sæter, À la poursuite du Thunder (Jakten på Thunder, 2017), trad. Frédéric Fourreau ; postface Lamya Essemlali, Actes sud, 2021

 

Développer l’estime de soi de son enfant

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Sous-titré « Les clés d’une éducation bienveillante » et signé Petra Krantz Lindgren, ce livre, Développer l’estime de soi de son enfant, s’adresse aux parents mais, comme l’affirme l’auteure dans son introduction, « il est tout à fait possible de changer le mot ‘parent’ pour ‘adulte’ ». « Ne serait-ce pas merveilleux si nos enfants pouvaient grandir en écoutant leur voix intérieure ? S’ils avaient le courage de suivre leurs propres envie et de réaliser leurs propres rêves ? » explique-t-elle par ailleurs. Et Petra Krantz Lindgren (diplômée en sciences comportementales et animatrice d’un blog populaire « En annan du » – « Un autre toi ») de nous présenter toute une série de situations difficiles ou conflictuelles avec des enfants, des très jeunes aux adolescents, et les techniques qu’elle propose pour les résorber. Toutes reposent sur des postulats très simples, à la limite du pléonasme, comme celui-ci : « Les enfants font comme les adultes », « que nous le voulions ou pas, nous, les parents, sommes des modèles pour nos enfants » ou encore « pour qu’un enfant ose croire en sa valeur, il est important que ses parents ou d’autres adultes proches s’intéressent à lui… ». Et l’auteure de nos décliner les diverses facettes de cette bienveillance qu’elle brandit et qui, selon elle, apaise les tentions inhérentes aux relations adultes-enfants, en responsabilisant ces derniers. Car c’est ainsi, conclut-elle, que peuvent s’instaurer des relations d’« équidignité ».

 

* Petra Krantz Lindgren, Développer l’estime de soi de son enfant (Med känsla för barns självkänsla, 2014), trad. Sara Hamberg Bussenot, Eyrolles, 2017

Suédois

Suedois

C’est à un voyage en terre suédoise que nous convie l’auteur belgo-suédois Piet Lincken (né en 1969), qui d’habitude s’exerce plutôt à la poésie. Dans Suédois, volume s’inscrivant dans la collection « Lignes de vie d’un peuple » des Ateliers Henry Dougier, il entend nous présenter un pays, dont ses parents sont originaires, avec lequel il entretient une relation privilégiée, affirmant séjourner régulièrement en Laponie. La culture y tient une place importante et Piet Lincken commence par évoquer Stig Dagerman et August Strindberg, deux écrivains incontournables, avant de converser avec Margareta Petersson, agente littéraire du dramaturge Lars Norén (décédé du Covid en 2021). Puis il passe d’un sujet à un autre rapidement, trop rapidement. Ainsi, pour évoquer certains titres de la littérature policière, se contente-t-il de renvoyer au résumé sur le site « Polars Pourpres » – il n’est pourtant pas interdit de lire le livre que l’on mentionne, dans la mesure, surtout, où l’on n’en mentionne que trois ou quatre alors qu’il s’agit aujourd’hui, n’hésitons pas à le dire, d’une spécialité culturelle suédoise ! (Et il n’est pas non plus interdit de se relire – Lisbeth Salander n’est évidemment pas « l’un des personnages principaux de Mankell » mais de Stieg Larsson, cf. p. 29.) Apparaît également Fifi Brindacier, « un personnage subversif », sans que le lecteur en apprenne bien plus. Idem pour la musique classique, des noms sont lancés (Wilhelm Stenhamar, Wilhelm Peterson-Berger) sans que l’auteur approfondisse ni n’en propose d’autres, sinon de manière superficielle (les compositeurs suédois sont pourtant nombreux : songeons à Elfrida Andrée, Hugo Alfvén, Rolf Martinsson, Britta Byström, Ingvar Lidholm, Tobias Broström, etc.). Pour la peinture, on se contentera du nom de Carl Larsson (cité une fois !) et de celui du prince Eugen. Bye bye Anders Zorn et Ivan Aguéli et les illustrateurs/illustratrices de grand talent – Jenny Nyström, Elsa Beskow, John Bauer, etc. Ni tout à fait guide de voyage ni essai sociétal, ce livre donne l’impression de passer à côté de beaucoup de sujets, notamment liés aux questions de société, qui auraient mérité plus ample développement. L’esprit de tolérance propre aux pays nordiques est mentionné à propos de la firme IKEA. « ...Il ne s’agit d’ailleurs pas d’être tolérant, mais d’être intelligent, en sachant que la vie est faite de différences ; la plus-value est de transformer ce que l’on pense être un obstacle en une force ». Formellement, des questions sont posées sans rapport direct avec la Suède (« Pensez-vous que (…) notre relation à la vie, à la mort, à la maladie (…) a plutôt changé ? ») ou bien, les interviewés déclarent ne pas savoir : « ...Je ne connais pas vraiment grand-chose à son propos. » Ou encore, on trouve des lignes de renseignements officiels, accessibles dans n’importe quel ouvrage sur la Suède ou sur un site internet, donnés comme réponse à une question (cf. le début de l’interview de Robert Pauker, « organiste titulaire de l’église » de Kiruna). Quand Pietv Lincken s’aventure à Malmö, une ville dans laquelle il a vécu, c’est sans aborder plus les problèmes récurrents : trafics en tous genres et guerre des gangs, sentiment d’insécurité – ce qui peut expliquer le résultat des dernières élections législatives, qui a permis à la droite alliée à l’extrême droite d’accéder au pouvoir. Idem avec Dag Hammarskjöld (1905-1961), diplomate aux Nations-Unies, dont l’avion s’est écrasé en Afrique. Une mort qui reste mystérieuse et qui a donné lieu à pas mal d’hypothèses plus ou moins crédibles dont le lecteur ne saura rien. Parler, pour la Suède, de « pays le plus égalitaire du monde », est un cliché qui perd de jour en jour sa pertinence. Peut-être aurait-il été bienvenu de gratter un peu (cf., par exemple, nombre d’articles ces dernières années de Anne-Sophie Hivert, la correspondante du Monde en Scandinavie). Suédois, de Piet Lincken, manque son but : on reste sur notre faim. À moins, soyons optimistes, que ce manque nous donne envie d’en savoir bien plus et de nous affranchir de cette lecture pour aller sans plus tarder mettre les pieds en Suède ?

* Piet Lincken, Suédois, Ateliers Henry Dougier (Lignes de vie d’un peuple), 2022

Greta, la voix d’une génération

Journaliste indépendante pour le quotidien italien Corriere della Sera, Viviana Mazza a déjà publié un ouvrage sur Malala Yousafzai, cette jeune pakistanaise victime des  talibans, hostiles à la scolarisation des filles, et devenue Prix Nobel de la paix en 2014. Viviana Mazza publie aujourd’hui le portrait de Greta Thunberg : Greta, la voix d’une génération. Ce livre permettra aux jeunes lecteurs et lectrices de faire connaissance avec cette figure sympathique et intelligente de la protection de la planète. « Le moment de bascule s’est passé à l’été 2018, quand de terribles incendies ont ravagé les forêts suédoises. Greta a alors décidé de faire la grève de l’école, exigeant que l’on réduise drastiquement les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour stopper le réchauffement climatique. » La Suédoise est entendue par une bonne partie de la jeunesse. Sa parole est relayée par les médias. Et pourtant ? Qui peut contester l’urgence d’agir, sinon des imbéciles comme (un exemple parmi tant d’autres, hélas !) le Premier ministre australien, qui persiste à affirmer, alors que son pays est en proie à une canicule jamais atteinte (jusqu’à 50° dans certaines villes !) et à des incendies gigantesques (1 milliard d’animaux morts, selon les estimations !) que le réchauffement climatique n’existe pas et que les écologistes nuisent à la croissance économique... ! Quelle gabegie, quel mépris ! À quand son inculpation (lui et d’autres de cet acabit) pour « crime contre l’humanité » ? « Notre avenir, ils nous l’ont volé », proteste Greta Thunberg, ajoutant que certains, de par le monde, gagnent énormément d’argent et se fichent complètement du changement climatique, assurés qu’ils sont de se déplacer à leur guise et d’habiter où ils le souhaitent. « ...Des coupables, il y en a, et comment ! » observe Viviana Mazza. Un livre à mettre entre les mains de tous les adolescents (notamment dans les CDI) et des plus âgés, puisque nous sommes tous concernés par ce que dénonce Greta Thunberg.

 

* Viviana Mazza, Greta, la voix d’une génération (Greta, la ragazza che sta cambiando il mondo, 2019), trad. de l’italien Isabelle Enderlein ; illus. Elisa Macellari ; appendice documentaire sur le climat sous la direction d’Elena Gatti, Rageot, 2020

La Pertinence de Gunnar Asplund

Être Gunnar Asplund (1885-1940), l’un des grands noms de l’architecture en Suède et dans les Pays nordiques, signifie « surtout être doué d’une extraordinaire imagination, et d’une sensibilité artistique marquée ». Parmi ses diverses réalisations, pensons à la bibliothèque municipale de Stockholm (« l’un des projets les plus énigmatiques » de Gunnar Asplund), par exemple, avec sa vaste salle ronde intérieure, que les photographes ne se lassent pas de restituer. Ou le cinéma Skandia : « Le Skandia est sans aucun doute la version la plus spectaculaire et intense de la recherche d’un espace intérieur conçu et réalisé comme un espace extérieur », souligne Luca Ortelli. Sa conception du grand cimetière sud de la capitale, où Greta Garbo repose aujourd’hui, fait l’unanimité autour d’Asplund. Son collègue finlandais Alvar Aalto louera son association des techniques modernes d’architecture avec l’attention portée à la nature, omniprésente et tant célébrée dans les Pays nordiques. Dans La Pertinence de Gunnar Asplund, petit ouvrage sous-titré « Du cimetière boisé à l’exposition de Stockholm », Luca Ortelli (né en 1956), professeur à l’Institut d’architecture et de la ville de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, s’essaie à contextualiser le travail de l’architecte de 1915 à 1930. Il expose la vision esthétique de Gunnar Asplund, dont l’œuvre est « essentiellement marquée par des projets et des réalisations d’édifices publics » et en rappelle les enjeux, montrant combien ils demeurent étonnamment actuels. Passionnant.

 

* Luca Ortelli, La Pertinence de Gunnar Asplund, MétisPresses (VuesDensembleEssais), 2019

 

Abba, l’album des 50 ans

Abba

Voilà déjà une cinquantaine d’années que le groupe Abba existe. Constitué de Anni-Frid « Frida » Lyngstad, Benny Andersson, Björn Ulvaeus et Agnetha Fältskog, il est l’un des groupes musicaux les plus populaires au monde, l’un de ceux, c’est dit et répété, qui ont vendu le plus de disques. Son épopée a été racontée maintes fois. Donné comme spécialiste du groupe sur lequel il a « déjà écrit ou co-écrit huit livres », Carl Magnus Palm se targue de suivre Abba depuis ses débuts et, anecdote après anecdote, livre ici une somme époustouflante de documents iconographiques. (Notons que Benny Andersson, lui, mène une belle carrière solo, beaucoup plus intéressante selon nous, et est à l’origine de la comédie musicale, Kristina från Duvemåla, inspirée de l’œuvre de Vilhem Moberg.) L’amateur feuillettera ce beau livre avec intérêt et s’en trouvera comblé. Les photos des membres du groupe abondent, des débuts de leur carrière à aujourd’hui, leurs costumes de scène attirent toujours autant l’œil. C’est cela, Abba : chanter des ritournelles qui font le tour de la Terre sans se prendre au sérieux, avec bonne humeur et sourire. On aime ou pas. Il y a pire. « Malgré la redoutable résistance de l’industrie musicale internationale, peu curieuse de ce que pouvaient offrir les auteurs et interprètes suédois, ABBA est parvenu à se faire une place sur le devant de la scène », tente de nous convaincre Carl Magnus Palm. La chanson « Waterloo » leur permet de gagner l’Eurovision en 1974 et d’être propulsés sous le feu des projecteurs. Le reste relève presque du conte de fées, avec l’ouverture du musée Abba à Stockholm, les « avatars » sur scène, et ce vraisemblable ultime disque, Voyage, sorti en 2021. Ce livre, Abba, l’album des 50 ans est aussi une somme utile pour comprendre la mondialisation de l’industrie musicale.

* Carl Magnus Palm, Abba, l’album des 50 ans (Abba at 50, 2022), trad. de l’ang. Christine Laugier, Glénat, 2022

Il était une fois ABBA

Journaliste, chroniqueur musical, correspondant français de l’hebdomadaire belge Le Soir magazine et spécialiste du disco, Jean-Marie Potiez (né en 1961) est un fan du groupe Abba depuis toujours. Il avait déjà publié un volume, Abba, les coulisses du succès, en 2014. Il récidive aujourd’hui avec un livre relativement complet et très illustré pour faire découvrir les quatre membres de l’un des plus célèbres groupes musicaux du monde. Agneta, Frida, Benny et Björn sont présentés et la création du groupe prend place dans l’air du temps, ces années 1970 et 1980 où Abba vole de succès en succès : « Waterloo », bien sûr, puis « SOS », « Money, money, money », « Fernando », « Dancing queen », etc. Au point qu’en 2013 un musée Abba a été ouvert sur l’île de Djurgården, que la comédie musicale « Mama mia » connaît un triomphe planétaire, que les quatre membres se sont retrouvés pour proposer un nouveau disque... Comme le fait Jean-Marie Potiez, il peut être intéressant d’observer et même d’analyser ce groupe, reflet d’une époque qui n’est pas révolue. « Aujourd’hui, au-delà de la bonne vingtaine de tubes intemporels qui passent toujours en boucle sur les radios et dans les discothèques, que représente véritablement ce que l’on nomme ‘l’héritage Abba’ ? »

 

* Jean-Marie Potiez, Il était une fois ABBA, Hugo Image, 2020

 

La Folle enquête de Stieg Larsson - Jan Stocklassa

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Sous-titré « Sur la trace des assassins d’Olof Palme », ce livre, La Folle enquête de Stieg Larsson, est signé Jan Stocklassa. Né en 1965, ancien diplomate et hommes d’affaires suédois, aujourd’hui journaliste indépendant résidant à Prague, celui-ci a eu accès aux archives de l’auteur de Millénium et du journal Expo. Journaliste d’investigation spécialisé dans la lutte contre l’extrême droite, Stieg Larsson (1954-2004) a couvert le meurtre du Premier ministre suédois Olof Palme (le 28 février 1986). La façon déconcertante dont les autorités l’ont traité lui a vite donné à penser que beaucoup, dans la société suédoise et à l’extérieur du pays, ne voyaient pas d’un mauvais œil cette disparition. Au moment de sa mort, Olof Palme était en effet une personnalité politique adulée par certains et ouvertement haïe par d’autres. Un « homme attaqué de toutes parts ». Ne l’avait-on pas qualifié d’« espion soviétique » ? L’extrême droite l’avait dans son collimateur. Son crime était annoncé par divers membres de ce courant, semble-t-il, ou au moins la mort d’une personnalité politique suédoise haut placée. Jan Stocklassa emmène le lecteur sur les pas de Stieg Larsson et en vient, de fait, à émettre lui-même des hypothèses. Il conclut « que le moment était relativement bien choisi pour un crime en pleine rue, mais qu’il avait été dicté par les circonstances. (…) ...Le tireur n’était pas un professionnel. (…) L’arme utilisée par le tueur était inutilement puissante, et (…) les munitions n’étaient pas adaptées. » L’ancien policier et écrivain (« gourou » selon Jan Stocklassa) Leif G. W. Persson a lui-même enquêté sur le meurtre du Premier ministre (cf., par exemple, La Nuit du 28 février/Entre le désir de l’été et le froid de l’hiver) et ses conclusions accusent un criminel de la « maison », quelqu’un des services secrets, vraisemblablement, qui aurait agi en partie sans en référer à sa hiérarchie. L’avis de Stieg Larsson est différent, puisqu’il privilégie un assassin issu des rangs de l’extrême droite suédoise, pour le compte de l’Afrique du Sud. « Mettre un coup d’arrêt à l’engagement de la Suède contre le régime d’apartheid, lutte dont Olof Palme était une des figures de proue mondiales dans les années 1980. Il condamnait l’Afrique du Sud en Suède aussi bien qu’aux Nations unies et que dans d’autres arènes internationales. Il devait donc être éliminé... » La justice, souvenons-nous, avait quant à elle, dans un premier temps, accrédité la thèse d’un tueur solitaire, un toxicomane nommé Christer Pettersson, innocenté ensuite lors de son procès et depuis décédé, mais, encore aujourd’hui, toujours considéré comme le coupable par un certain nombre d’instances judiciaires et policières. La thèse de Jan Stocklassa, qui promet dans son livre que la vérité éclatera d’ici très peu de temps, n’est assurément pas la plus sotte. Pour lui, bien des éléments donnent à penser que le coupable se nomme « Jakob Thedelin » (nom inventé par Jan Stocklassa, tant que la justice n’a pas tranché), un excentrique résidant à « Hedestad » (également nom inventé, tiré de la trilogie Millénium), qui fut très proche du médecin et homme des médias Alf Enerström, surnommé « le Suédois qui haïssait le plus Olof Palme » pour ses campagnes haineuses contre celui-ci. Les diverses hypothèses se recouperaient donc pour n’en former qu’une, associant services secrets sud-africains, police suédoise et éléments locaux d’extrême droite, ce qui expliquerait la complexité de l’affaire – et relativiserait l’incompétence des forces de police et judiciaires placées sur ce meurtre hors du commun. Une conjonction d’individus et d’intérêts différents : voici pourquoi les enquêteurs auraient autant pataugé. (Les interviews de Jan Stocklassa dans Le Monde du 30 janvier et Le Point du 1er février 2019 n’apportent rien de plus, sinon qu’aujourd’hui l’auteur n’est plus certain que l’affaire Palme soit éclaircie à court terme.) Une version intéressante du meurtre, que ce livre, dont Stieg Larsson est plutôt un faire-valoir.

 

* Jan Stocklassa, La Folle enquête de Stieg Larsson (Stieg Larssons arkiv. Nyckeln till Palmemordet, 2018), trad. Julien Lapeyre de Cabanes, Flammarion, 2019

Rejoignez-nous

« Quand on commence à agir, l’espoir est partout. Alors, au lieu d’attendre l’espoir, cherchez l’action. Et c’est seulement à ce moment que l’espoir sera là. » Greta Thunberg (née en 2003) sait transmettre son enthousiasme. Et de l’enthousiasme, il en faut pour se persuader que tout n’est pas perdu et que notre jolie planète ne sera pas bientôt une décharge à ciel ouvert où la vie est impossible. À l’initiative de la grève de l’école en faveur du climat (« Skolstrejk för klimatet »), la jeune Suédoise livre dans cette brochure, Rejoignez-nous, quelques-unes des raisons qui l’ont incitée à prendre la parole à Stockholm, à Londres, à Katowice ou encore à Davos, lors de rendez-vous internationaux avec les plus hauts responsables politiques et économiques. « ...Je vais demander aux gens du monde entier de réaliser que nos leaders politiques nous ont mis en échec. » L’urgence ne fait plus de doute, sauf peut-être pour de cyniques crétins à l’instar de Trump ou de Bolsonaro. « ...Ce n’est plus le moment de parler poliment ou de réfléchir à ce qui peut être dit ou pas. C’est le moment de parler franchement. » Les assassins sont au pouvoir un peu partout dans le monde. Ils n’ont pas de sang sur les mains et leurs crimes seront couverts, puisqu’ils décident comment et par qui la loi doit être appliquée. Ils s’apprêtent à commettre le crime le plus important depuis que l’humanité existe : détruire la planète. Greta Thunberg s’insurge. On ne saurait l’en blâmer.

 

* Greta Thunberg, Rejoignez-nous (trad. de l’ang. Flore Vasseur), Kero, 2019

Scènes du cœur

« Nous ne pouvons (…) pas sauver le monde en respectant les règles. Car les règles ont besoin d’être changées. Tout doit changer et cela doit démarrer aujourd’hui », écrivait Greta Thunberg dans son manifeste. Aujourd’hui, assistée de sa mère, de son père et de sa sœur, elle explique, dans Scènes de cœur, comment lui est venue sa prise de conscience en faveur de l’écologie. Qu’elle ait tort sur tel ou tel détail ou que, autiste, elle ne sourie pas plus que nécessaire, comment lui en tenir rigueur ? Qui lui reproche de parler pour des lobbys... ? Ne seraient-ce pas ces vieux réacs (Sarkozy, Trump et Cie) qui ont partie liée avec les plus gros pollueurs du monde ou ces m’as-tu-vu (Onfray and Co) qui n’ont plus rien à dire depuis longtemps... ! S’il existait un réel lobby de la nature, ce serait tant mieux. « ...Il y a une poignée d’hommes très riches, qui ont gagné des dizaines de milliards en détruisant la planète, alors même qu’ils connaissaient les risques. » Mais le livre relate aussi les déboires de la chanteuse lyrique Malena Ernman, mère de Greta, donc, qui a par ailleurs concouru à l’Eurovision, et là c’est beaucoup moins intéressant (quoi que les auteurs ou l’éditeur présentent le reste, au contraire, comme « la partie chiante » – tout le monde n’est pas accro aux racontars des peoples). Greta Thunberg, lorsqu’elle s’exprime directement (c’est un livre à plusieurs voix) tient un discours pertinent. Dommage, donc, qu’il soit brouillé par d’autres considérations, quand parle sa mère ou son père : que de blabla ! Bravo tout de même, Greta ! Mille fois bravo !

 

* Greta Thunberg/Svante Thunberg/Beata Ernman/Malena Ernman, Scènes du cœur (Scener ur hjärtat, 2018), Kero, 2019