Romans policiers

Sel

Sel

Marcus Jacobsen, le chef de Carl Mørk, du département V, soupçonne le suicide de Maja Petersen, une femme de soixante ans, d’être lié à la perte de son enfant, plus de trente ans auparavant, lorsqu’une série d’explosions avait détruit entièrement le garage où elle devait récupérer son automobile. La police avait alors conclu à un accident mais un monticule de sel retrouvé à proximité des lieux suggère rétrospectivement que cette affaire est liée à d’autres. Notamment à l’étrange suicide d’un politicien d’extrême droite adepte du sadomasochisme. L’équipe est toujours présente et efficace mais les événements des derniers volumes ont imprimé leurs marques tant sur Carl, que sur Rose, Assad ou même Gordon, le plus jeune. Carl « passa la main dans ses cheveux de moins en moins fournis et se frotta le crâne avec un mouvement circulaire, une des rares habitudes héritées de son père ». La Covid-19 sévit, on porte le masque et on conserve ses distances de sécurité – l’enquête s’en trouve ralentie. Des meurtres ? « Vous ne trouvez pas étranges toutes ces affaires dans lesquelles il n’y a ni suspect ni mobile ? À chaque fois l’enquête tourne court, mais le sel, lui, est toujours là. » L’équipe du département V se révèle encore une fois efficace, résolvant d’un coup toute une série de « cold cases ». En toile de fond, le rôle que jouent certains individus particulièrement nuisibles à l’ensemble de la société et la légitimité de s’en débarrasser, qui plus est, pour bien marquer sa volonté, le jour anniversaire de la naissance des pires salopards de l’histoire : Pol Pot, Hitler, Franco, Staline, etc. « ...Les criminels choisis par notre meurtrier et ses victimes ont un point commun, ils ont un sens moral gravement atrophié. » Peut-être peut-on regretter des longueurs dans la deuxième partie du roman, puisque l’auteur des crimes est assez rapidement identifié et qu’il reste à l’arrêter. Ce qui n’ira pas tout seul, on s’en doute, d’autant qu’une enquête interne vise directement Carl Mørk et que le policier devient un hors-la-loi à réprimer. Est-ce vraiment la dernière enquête du département V, comme annoncé ici ou là ? Les lecteurs, tous aficionados, s’en désoleraient. (Attention à la confusion couronnes/euros, p. 92 : on passe de cinq mille, puis dix mille couronnes par mois, à vingt mille euros !)

* Jussi Adler Olsen, Sel (Natrium chlorid, 2021), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2022

 

Victime 2117

« ...Si Carl jetait l’éponge, et il y songeait sérieusement, qui allait s’occuper des crimes irrésolus sur lesquels la brigade criminelle du deuxième étage s’était cassé les dents ? » Aussi, en dépit de sa lassitude, Carl Mørck poursuit-il ses investigations au sein du Département V du commissariat de Copenhague, assisté d’Assad, de Rose et de Gordon, tous détenant des secrets qui renforcent leurs liens. Dans ce volume, les migrants qui perdent la vie en Méditerranée sont comptabilisés. La « victime 2117 » est une femme âgée qu’Assad reconnaît. Et c’est son passé qui remonte et l’accable. Il n’est pas d’origine syrienne, comme il l’a toujours prétendu à ses collègues, mais irakienne, et c’est l’ancien directeur de la police, récemment décédé, qui l’a recruté. Assad-Zaid découvre que l’homme qui avait tenté de le tuer tient aujourd’hui la vie de son épouse et de leurs filles entre ses mains. Et qu’il s’apprête à commettre des attentats en Allemagne. La piste danoise, avec ce jeune homme qui s’intéresse, on ne comprend guère pourquoi, à la « victime 2117 », ne présente pas grand intérêt ; mais le reste tient le lecteur en haleine. Si le volume respecte le rythme des titres précédents, l’humour est plus discret, gravité du sujet oblige. Une très, très bonne série.

 

* Jussi Adler-Olsen, Victime 2117 (Offer 2117, 2019), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2020

L’Unité Alphabet

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« On ne pouvait pas ramener chez lui un officier nazi devenu fou. Cela aurait eu un effet démoralisant, terni la grandeur du Reich et semé le doute sur les nouvelle du front. » Voilà pourquoi des soldats à demi-morts, et notamment de hauts gradés nazis, sont ramenés dans un train jusqu’à la mère patrie. Bryan et James, deux pilotes de la RAF dont l’avion s’est écrasé en Allemagne, prennent place dans ce train au cours de leur fuite et se retrouvent dans un hôpital où des médecins infligent des traitements étranges et inhumains à ceux qui sont devenus leurs cobayes (mais on n’en saura guère plus au cours de ce roman... !) : « l’Unité Alphabet ». Peu avant la fin de la guerre, quand Bryan parvient à s’enfuir, c’est avec le sentiment de trahir son ami et il n’aura cesse, devenu un riche industriel britannique, de le retrouver. Dans ce but, il se rend en Allemagne en 1972, pendant les Jeux olympiques, pour un soi-disant contrat pharmaceutique. L’Unité Alphabet est le premier roman de Jussi Adler-Olsen. Disons qu’il n’a pas la fluidité de la série du « Département V » avec l’enquêteur Carl Mørk. Tout semble bien long ici, beaucoup trop long. Les Jeux olympiques ne servent pas de trame, comme on aurait pu s’y attendre. Sans doute est-ce dommage. Des anachronismes perturbent la crédibilité de l’intrigue – déjà de peu de poids. Ainsi, parler de « séries » en 1972 avec des épisodes à la suite le même jour est prématuré – plutôt des « feuilletons » et pas plus d’un épisode chaque soir, alors. Idem pour la « palette multicolore de cartes de crédit » dans le portefeuille de Laureen, l’épouse de Bryan... ! Que de longueurs dans ce roman (plus de six cents pages !)... Heureusement, les ouvrages suivants de Jussi Adler-Olsen sont infiniment plus réjouissants.

 

* Jussi Adler-Olsen, L’Unité Alphabet(Alphabethuset, 2007), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2018

 

Selfies

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L’humour est la marque de fabrique de la série policière signée Jussi Adler Olsen, qui met en scène une équipe réduite de policiers, le Département V, reléguée au sous-sol du commissariat de Copenhague. Ainsi, « …Carl en profita pour déverser ses doléances avec tant de colère que la gelée sur sa tartine de pâté de foie en trembla. » Humour léger, humour plus lourd, humour récurrent. Nous ne nous en plaindrons pas, après avoir fait preuve de scepticisme au début. Au fil des volumes les personnages gagnent en épaisseur, chose logique et ici bien réussie, et le lecteur a littéralement l’impression de les côtoyer comme s’il côtoyait des amis ou au moins des relations proches. Dans ce septième volume de leurs aventures, Selfies, Carl Mørck, Assad et Gordon enquêtent sur une série de meurtres de jeunes femmes, toutes profitant, abusant, même, des aides sociales. Des « truies », selon l’une d’entre elles. « Il s’agissait de femmes pour qui seuls comptaient leurs propres besoins et leurs envies personnelles, de filles convaincues que la Terre tournait autour de leur nombril. Elles vivaient en parasites, profitant des sentiments et des biens de leurs congénères… » selon une travailleuse sociale. Rose, elle, éminente partenaire de Carl et d’Assad et dulcinée secrète de Gordon, est très mal en point psychologiquement, elle ne se remet toujours pas de la mort de son père des années plus tôt. Y serait-elle pour quelque chose ? Un moment internée, elle se trouve concernée par les enquêtes, qui toutes sont liées, semble-t-il, avec un « sérial chauffard » au centre. L’intérêt n’est pas tant de trouver qui est le coupable, préalablement connu (ou le lecteur le croit), que de remonter jusqu’à lui. Il ne s’agit certes pas ici de « grande littérature », mais Jussi Adler Olsen parvient à parfaitement faire se croiser les différentes pistes de ses enquêteurs et nous livre là un volume drôle et touchant.

 

* Jussi Adler Olsen, Selfies (Selfies, 2014), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2017

Promesse

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Promesse, le dernier roman de Jussi Adler-Olsen, se passe sur l’île de Bornholm, laquelle est plus proche de la Suède, de l’Allemagne ou de la Pologne, que du Danemark, comme le regrette l’inspecteur Carl Mørk. À l’instigation de Rose, l’une des trois membres du Département V, le voici amené à enquêter sur la mort d’une jeune femme une quinzaine d’années plus tôt. Un accident ou un meurtre, plutôt, comme de plus en plus d’éléments le laissent à penser et comme le croyait le policier qui mena l’enquête et qui s’est suicidé après avoir contacté le responsable du Département V et avoir été éconduit par lui ? Carl Mørk est fidèle à lui-même, « révolté, opposé à toute forme d’autorité, provocateur », selon les mots de son propre père. À l’instar des précédents, Promesse est un roman qui se laisse lire avec plaisir. L’humour, en dépit de quelques situations où l’hémoglobine coule (beaucoup moins, toutefois, que dans d’autres romans policiers), est toujours présent et la série du Département V se distingue bien, à ce titre, des autres séries policières en provenance des Pays nordiques. Cette fois-ci, c’est dans une secte new age que nous entraîne Jussi Adler-Olsen, d’abord sur l’île de Bornholm, donc, puis en Suède, sur celle de Öland.

 

* Jussi Adler-Olsen, Promesse (Den graenløse, 2014), trad. Caroline Berg, Albin Michel

Les Filles oubliées

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Ce n’est jamais très bon, quand un éditeur publie un roman, danois ou autre, à partir de sa version anglaise. Cela sent le coup commercial plus que l’amour de la littérature. L’amour de la littérature n’est peut-être pas, certes, ce qui caractérise le mieux un certain nombre d’éditeurs mais en tant que lecteur, ne peut-on espérer que… Bon, cette petite remarque pour indiquer que, traduit de l’anglais, donc, le roman Les Filles oubliées, de la Danoise Sara Blædel, se voit affublé d’une typologie bizarre, des « ? », par exemple (pour « ø »), ou des A avec un point au-dessus (à la place du « Å ») qui n’ont pas cours au Danemark mais qui se retrouvent là, de manière systématique, pour faire sans doute encore plus exotique… ! La policière Louise Risk est chargée de diriger l’agence des enquêtes spéciales et s’entoure pour cela d’une équipe que l’on peut qualifier de bras cassés. Dans un bois du Seeland non loin de Roskilde, un corps a été retrouvé et les questions fusent, car la femme, morte depuis une semaine, porte des traces de blessures jamais soignées ; de plus, personne n’a signalé sa disparition, ce qui peut laisser supposer qu’elle vivait recluse. Bientôt, on apprend qu’elle était censée être morte depuis une vingtaine d’années, tout comme sa sœur qui, elle, a disparu. D’autres crimes ont lieu. Un violeur et assassin en série sévirait-il ? Louise Risk s’obstine à enquêter, à l’encontre de son chef qui lui suggère de clore au moins le premier dossier. De lecture facile, Les Filles oubliées n’est pas un roman qui fera date dans le genre, basé essentiellement sur une énigme au caractère sordide. Relevons que Sara Blædel (née à Copenhague en 1964) a signé d’autres volumes avec la même enquêtrice.

 

* Sara Blædel, Les Filles oubliées (2011, trad. de l’ang. Martine Desoile), Terra nova, 2015

 

Le Passé doit mourir

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Ce roman de Katrine Engberg, Le Passé doit mourir, voit revenir sur la scène les deux policiers déjà présents dans les volumes précédents, L’Enfant étoile et Le Papillon de verre. Ici, un garçon d’une quinzaine d’années d’une bonne famille de Copenhague a disparu. Qui pourrait lui vouloir du mal ? Son jeune professeur de danois est peu de temps après retrouvé mort, dans le gigantesque et nouvel incinérateur de la capitale. Jeppe Kørner et Annette Werner enquêtent. La lecture n’est pas déplaisante mais aucune surprise à attendre, comme dans tout bon polar détournement d’argent et scandale à caractère sexuel sont au rendez-vous. On notera la façon de faire un peu étonnante d’une enquêtrice, Sara, qui jette à la poubelle un livre, De l’autre côté du miroir. Le roman de Lewis Carroll effraie ses filles, entendu, mais quelle pratique, sous la plume de Katrine Engberg !

* Katrine Engberg, Le Passé doit mourir (Vådeskud, 2019), trad. Catherine Renaud, Fleuve (Noir), 2023

L’Enfant étoile

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Jeppe Kørner (« il n’était jamais à l’aise sur une scène de crime ») et sa coéquipière Anette Werner (« les scènes de crime étaient son domaine, un des endroits où elle ne se sentait jamais maladroite »), bien que titulaires du même grade, forment une « association dépareillée » de flics. Les voici appelés dans un appartement du centre-ville de Copenhague, où le corps d’une jeune fille a été retrouvé mort, le visage en partie découpé. Un assassinat. Esther de Laurenti, fantasque propriétaire de l’immeuble et résidente de l’appartement du dernier étage, écrit un roman policier... « qui décrit de façon détaillé le meurtre (…). Meurtre qui a eu lieu avant-hier. » Plusieurs suspects sont interrogés. Les rebondissements s’accumulent. Quand l’art est perverti... ! L’Enfant étoile est donné comme le premier roman de Katrine Egberg (née en 1975). Bien mené, il ne surprendra toutefois pas les lecteurs habituels de romans policiers. Tous les ingrédients sont présents et l’intrigue se résume à une enquête, rien de plus.

* Katrine Engberg, L’Enfant étoile (Krokodillevogteren, 2016), trad.Catherine Renaud, Fleuve (Noir), 2021

 

Le Papillon de verre

Le papillon de verre

Copenhague, de nos jours. Le cadavre d’une femme, une assistante sociale, est retrouvé, mutilé, dans une fontaine du centre-ville. Puis un autre corps, peu après, également dans une pièce d’eau. L’inspecteur Jeppe Kørner est chargé de l’enquête, assisté de Sara Saidani, sa collègue avec laquelle il entretient une discrète liaison amoureuse, de Falck, un peu trop lourdaud, et de quelques autres policiers. Bien qu’en congé maternité, Anette Werner enquête elle aussi, officieusement. Le Papillon de verre de Katrine Engberg n’est pas désagréable à lire, mais pas de surprise, tout est cousu de fil blanc. La vengeance explique les mobiles de l’assassin. « Toutes ces morts à cause de la paresse et de la cupidité. Un assassin animé par le sens de la justice. Une épée à double tranchant qui faisait de son porteur à la fois une victime et un bourreau... » Quant aux derniers chapitres, quand tout rentre dans l’ordre, l’aspect nunuche est vite atteint. « Une auteure incontournable » affirme Camilla Läckberg en quatrième de couverture. Avouons notre scepticisme. Ces réserves mises à part, Le Papillon de verre est un roman tout à fait adapté pour délasser le lecteur.

* Katrine Engberg, Le Papillon de verre (Glasvinge, 2018), trad. Catherine Renaud, Fleuve (Noir), 2022

 

Le Graphique de l’hirondelle

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Biologiste et journaliste culturelle au magazine danois Femina, Sissel-Jo Gazan est l’auteure de plusieurs ouvrages – son premier roman publié date de 1995. Les Plumes du dinosaure (Le Serpent à plumes, 2011), va bien au-delà du genre policier et a été, à juste titre, couronné par différents prix au Danemark et ailleurs.

Le suivant, Le Graphique de l’hirondelle, voit de nouveau Søren Marhauge mener l’enquête. Il vit à présent avec Anna Bella et Lily, sa fillette de cinq ans. Lui qui avait été promu au grade de superintendant, vient de donner sa démission. Il souhaite être rétrogradé car il est excédé de ne pas intervenir sur le terrain. Un professeur, Kristian Storm, est retrouvé pendu dans un local de l’université, là où précisément travaille Ana. Un suicide ? Alors qu’il était en train de conclure une importante recherche sur les effets secondaires de certains vaccins ? Ses états de service ne donnent plus à Søren le droit de suivre l’enquête mais qu’à cela ne tienne, il fouine et « détricote » ce qui ressemble de plus en plus à un meurtre. Roman dense, presque trop parfois (ah, l’enfance de ce personnage, Marie Skov !), roman passionnant comme l’était Les Plumes du dinosaure. Il y a un meurtre, il y a une enquête, et même bientôt une double enquête mêlant cette chercheuse, Marie Skov, bras droit de Kristian Storm. Il y a, surtout, cette description du monde universitaire et scientifique, qui perd son âme lorsqu’il se confronte à celui de l’industrie et de la finance. « Depuis 2006, Kristian Storm a continuellement alerté l’OMS. Mais ses observations n’ont jamais été prises au sérieux. Pourquoi ? Parce que le programme de vaccination de l’OMS est devenu une politique planétaire – et comment critiquer quelque chose qui a été mis en place depuis aussi longtemps » Dommage, cependant, que tout se termine si bien, ce qui nous semble rarement être le cas dans la réalité !

 

* Le Graphique de l’hirondelle (Svalens graf, 2013), trad. Nils C. Ahl, Mercure de France (Noir), 2015

Amour entre adultes

« Tout le monde a le droit de tomber amoureux, tout le monde peut se sentir à l’étroit dans l’amour, le perdre. » Une rupture amoureuse doit-elle toujours mal se passer ? A priori, non, chacun a le droit de faire ce qu’il veut et l’amour, on le sait, éternel enfant de Bohème, ne se commande pas. Mais lorsque la rationalité est évacuée, que la vengeance régit la conduite de l’être délaissé ? Christian, chef d’entreprise installé à Velje, a une maîtresse, Zenia ; Leonora, sa femme, ne l’entend pas de cette oreille et lui promet de se venger. « Elle n’est plus un être humain, elle n’est plus Leonora, sa femme depuis plus de vingt ans, la mère de leur unique enfant. Elle est autre chose, une ennemie, une menace. » Ainsi Christian voit-il Leonora depuis que celle-ci a découvert l’existence de Zénia. C’est pour elle inacceptable. Christian a détourné de l’argent dans son entreprise pour pouvoir soigner son fils, leur fils, atteint d’une grave forme de leucémie. Va-t-elle le dénoncer ? Elle ne veut pas tant le récupérer, que le détruire et détruire avec lui sa rivale. Raconté par Holger, policier à la retraite qui avoue ne pas être tout à fait certain de ses conclusions à sa fille Josefine (« J’en suis sûr, mais on ne peut pas le prouver »), signé Anna Ekberg (pseudonyme de Anders Rønnow Klarlun et Jacob Weinreich qui ont déjà utilisé conjointement le pseudonyme de A. J. Kazinski), Amour entre adultes est un roman prenant. Il n’est pas sans évoquer, évidemment, La Cage dorée de Camilla Läckberg, publié au même moment et traitant d’un thème similaire. Sa lecture achevée, on ne peut que rester un peu sonné. Tout se tient. La fin est peut-être un rien tarabiscotée mais... pourquoi pas ? « Le mariage est la seule guerre où l’on couche avec son ennemi », annonce Woody Allen en exergue. Ce n’est peut-être pas tout à fait vrai, les viols en temps de guerre sont si nombreux, mais l’idée est là, la vie conjugale n’est pas toujours une partie de plaisir et Christian, le piètre héros de cet excellent roman machiavélique (à sa lecture, on peut songer aussi au duo Boileau-Narcejac avec Les Diaboliques, par exemple), ne démentira pas.

 

* Anna Ekberg, Amour entre adultes (Kærlighed for voksne, 2016), trad. Laila Flink Thullesen et Christine Berlioz, Le cherche midi (Thrillers), 2019

Le Détective chauve

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Signée Anna Grue (née en 1967), la série policière qui met en scène Dan Sommerdahl, dit le Détective chauve, n’est sans doute pas la plus originales des diverses séries signées aujourd’hui par des auteurs originaires des pays nordiques. Mais elle se laisse lire et, de volume en volume, le personnage central finit par acquérir une vraie personnalité. Dans celui intitulé Le Détective chauve (le quatrième de la série), un couple fait appel à lui parce qu’il craint que leur fils, Malthe, soit victime d’un assassinat. Leurs deux aînés sont morts à l’âge de seize ans et vingt sept jours exactement. Deux suicides ? Le couple, un homme politique, vraisemblablement le prochain Premier ministre danois, et son épouse, architecte d’intérieur et écologiste, refuse de le croire. Or, dans peu de temps, ce sera l’âge de Malthe. Dan Sommerdahl, aujourd’hui à la tête de sa propre agence de publicité mais détective privé par ailleurs, lorsque quelqu’un fait appel à lui, est donc embauché pour protéger la vie de l’adolescent. « Peut-être que Malthe sera toujours en vie le 5 juillet quoi qu’on fasse. Mais je ne peux pas non plus rester les bras croisés. Imagine qu’on ne fasse rien et qu’il lui arrive malheur. Tu pourrais vivre avec sa mort sur la conscience, toi ? » interroge-t-il son vieil ami, le commissaire Flemming. Ce dernier accepte de l’aider à condition que le Détective chauve ne donne pas ses sources…. Dan Sommerdahl s’est séparé de Marianne pour suivre Kirstine, une actrice célèbre au centre, un moment, de l’enquête. Puis il retourne avec son ex-femme. Hum ! Le ton est bon enfant et ne va jamais au-delà, c’est dommage.

 

* Anna Grue, Le Détective chauve (Den skaldede detektiv, 2010), trad. Frédéric Fourreau, Gaïa (Polar), 2015

Le Polonais fou

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Ce cinquième volume des enquêtes de Konrad Simonsen, Le Polonais fou, est une belle réussite, à mi-chemin entre le roman policier nordique que l’on connaît (accumulation de détails, interactions entre les divers policiers, attention aux questions sociales) et le roman dit d’espionnage. Un soir d’août 2010, un bateau-mouche contenant à son bord des cadavres est découvert au large de Copenhague, d’autres corps sont repêchés autour, notamment ceux d’enfants japonais. L’inspecteur Konrad Simonsen, « un homme d’une soixantaine d’années, grand et robuste, d’un tempérament calme et aux manières directes », tel qu’on le connaît depuis les précédents volumes de Lotte et Søren Hammer, est dépêché sur place. « Il ressemblait exactement à ce qu’il était : un chef habitué à être obéi dans des situations critiques. » Un chef dont les avis ne se discutent guère : « ...Ce n’était pas dans les habitudes de Konrad Simonsen d’excuser des crimes graves à cause du passé de leur auteur ». Le voici appelé à enquêter avec la Comtesse, autrement dit son épouse, et Anna Mia, leur fille, tous trois policiers au commissariat central de la capitale danoise, sans oublier les policiers Arne Pedersen, Klavs Arnold et Anica Buch, sur ces meurtres horribles. Leur investigations les conduisent à s’intéresser à l’engagement des troupes danoises en Bosnie en 1995. « ...J’ai constaté et entendu parler de tellement de cas où nos anciens soldats ont été trahis que... » songe à haute voix Konrad Simonsen. « Eh bien, ça me fout en rogne. J’étais loin de me douter qu’on les traitait aussi mal. » Et il ne se doutait pas non plus que l’Armée agissait en toute impunité lorsqu’elle le pensait nécessaire – dans cette démocratie exemplaire qu’est le Danemark. Naïveté qui, indirectement, causera sa suspension momentanée des forces de police. De manière quelque peu surprenante, le roman est conçu en plusieurs parties assez indépendantes les unes des autres. Le titre est sans rapport avec le texte, ou de loin. La fin part un peu en vrilles, comme on dit, mais l’ensemble est intéressant. Un roman somme toute séduisant.

* Lotte & Søren Hammer, Le Polonais fou (Den Sindssyge polak, 2014), trad. Frédéric Fourreau, Actes sud (Actes noirs), 2022

 

La Fille dans le marais de Satan

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D’abord sceptique, peut-être, face à la violence dispensée dès les premières pages, le lecteur se laisse cependant assez vite entraîner par l’action de ce roman de Lotte et Søren Hammer, La Fille dans le marais de Satan. Le corps d’une jeune femme est retrouvé dans le marais dit de Satan, quelque part sur la côte est du Danemark, au nord de Copenhague. Une Africaine (et non pas une « négresse » : « ...on ne doit jamais, absolument jamais, utiliser des termes dégradants à connotation raciste »), vraisemblablement une prostituée, tuée six mois plus tôt. L’inspecteur Konrad Simonsen (qui préfère se faire appeler Simon) et la Comtesse, son épouse, mènent l’enquête, entourés par une petite équipe de policiers. Au terme de bien des péripéties, il apparaît que nombre de notables de la région sont liés à un réseau de prostitution. « ...Est-ce qu’on ne pourrait pas considérer qu’ils ont commis un viol ? » À quand la pénalisation des clients, comme en Suède ? interrogent opportunément le frère (né en 1952) et la sœur (née en 1955) Hammer par le biais de leurs personnages. Konrad Simonsen et la Comtesse « continuaient d’éprouver un certain plaisir (…) à montrer aux riches, à l’élite, aux puissants, que malgré leurs relations haut placées et tout leur argent, ils devaient se soumettre humblement devant un badge de la brigade criminelle. C’était bon de vivre dans un pays où tous étaient égaux face à la loi... » Ainsi, au-delà de l’enquête policière et comme dans les ouvrages de nombre d’autres auteurs de romans policiers de ces contrées, l’aspect social conduisant aux crimes est présenté. La société danoise est largement décrite, sans plus de bienveillance que nécessaire : « ...La décence était devenue une denrée rare au royaume du Danemark ces dix dernières années. » Benedikte, la figure centrale du livre, est une très jeune femme qui n’a pas froid aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire, et sa détermination criminelle force, sinon la sympathie, au moins l’intérêt. Un bon roman, finalement, sur un sujet pourtant régulièrement traité dans la littérature policière nordique. (Un mot, toutefois, sur la traduction : pourquoi supprimer la plupart des négations dans les dialogues – le « ne pas » devient « pas » ? Le langage parlé n’est pas toujours joli à l’écrit.)

* Lotte et Søren Hammer, La Fille dans le marais de Satan(Pigen i Satans mose, 2012), trad. Frédéric Fourreau, Actes sud (Actes noirs), 2018

 

Fleur de cadavre

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Heloise Karlan est journaliste à Copenhague, dans un quotidien, Demokratisk Dagblad. Mise à l’écart par sa hiérarchie pour avoir diffusé des informations sur un magnat de la mode qui aurait utilisé une main d’œuvre enfantine dans ses ateliers, informations qui n’ont pas été confirmées ensuite, elle reçoit un jour un courrier étrange. Une certaine Anna Kiel, coupable du meurtre d’un avocat de trente-sept ans, Christopher Mossing, quelques années plus tôt, lui demande de prendre contact avec elle. Pour quelles raisons ? Et comment ? Heloise Karlan (et non « Karban », comme indiqué en quatrième de couverture !) reprend la procédure que ses collègues journalistes ont laissée de côté depuis la fuite d’Anna Kiel. Une question récurrente la tracasse : pourquoi a-t-elle été contactée par celle-ci ? La police mène également l’enquête, personnifiée ici par l’inspecteur Erik Schäfer. « Il était intimidant. Il se dégageait de lui une forte autorité, mais surtout une grande gentillesse. » Effectivement, Erik Schäfer est plutôt bienveillant, mais là, il aimerait plus que jamais coincer le suspect principal, un riche homme d’affaires qui serait au centre d’une affaire de pédophilie. Heloise Karlan lui prête main forte. « Il y avait une Heloise en elle qui aurait jeté tous les assassins, les pédophiles et les violeurs dans un grand trou avec isolation phonique, fermé par une chape de plomb, afin d’oublier leur existence une bonne fois pour toutes. Elle avait bien conscience que ce n’était pas une attitude politiquement correcte, mais parfois elle ne pouvait s’empêcher de se sentir pleine de haine et d’indignation. » Née en 1979, journaliste, Anne Mette Hancock vit à Copenhague. Elle déclare aimer la lecture d’auteurs comme John Grisham, Michæl Connelly ou Stephen King. Elle signe là un premier roman qui augure d’une série avec Heloise Karlon et Erik Schäfer dans les rôles principaux. Plutôt prometteur.

 

* Anne Mette Hancock, Fleur de cadavre (Ligblomsten, 2017), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2018

 

Trophée

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D’emblée, Trophée est un roman qui met mal à l’aise. Le lecteur est confronté à une chasse à l’homme mortelle dans le nord de la Norvège. Quels en sont les protagonistes ? C’est ce que voudrait savoir l’héritière d’un très florissant groupe industriel danois, qui a cru reconnaître son père sur un DVD mettant en scène le meurtre d’un homme. Pour connaître la vérité, elle fait appel à Michael Sander, bientôt quarante-quatre ans et « consultant très particulier en affaires délicates ». En parallèle, Lene Jensen, commissaire à Copenhague, enquête sur l’étrange suicide d’un ancien militaire. Les deux affaires finissent par se rejoindre et prouver l’existence d’un groupe de chasseurs… d’humains ! Bien construit, plein de suspense de la première à la dernière page, Trophée se démarque du reste de la production romanesque noire nordique. L’action, se dit-on une fois le livre refermé, aurait pu prendre d’autres régions de la planète pour cadre. Si tout est très localisé, notamment dans la région de Holbæk, au nord du Saeland, rien n’est spécifiquement danois. Un roman dérangeant, avec une hostilité à toute forme de chasse, et puis cette quasi-affirmation que le pouvoir allié à l’argent finit par rendre les hommes fous.

 

* Steffen Jacobsen, Trophée (Tropheus, 2013), trad. Caroline Berg, SW Télémaque (Entailles), 2014 

Le Parc

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Dans Trophée, Steffen Jacobsen relatait une déconcertante chasse à l’homme entre le Danemark et l’extrême nord norvégien. Le Parc s’ouvre, comme l’indique le titre, à Tivoli, ce célèbre parc d’attraction au centre de Copenhague. Un attentat le frappe, non revendiqué, bien que tous les regards se tournent vers les auteurs habituels de ce type d’actions : « Nous, Occidentaux, sommes terriblement vulnérables, car personne ne peut se défendre contre un homme ou une femme d’un autre temps, mus par une détermination farouche et pour qui la mort est un détail. » Mots qui résonnent douloureusement, ici, après les attentats de Paris ou ceux de Bruxelles… À Tivoli, l’attentat a fait 1241 morts et les autorités craignent que ses commanditaires recommencent. La commissaire Lene Jensen, qui apparaissait déjà dans Trophée avec son compère malgré lui Michael Sander, n’enquête pas directement sur ces faits mais est intriguée par le pseudo-suicide d’une jeune femme qu’elle connaissait par le biais d’une association de lutte contre le suicide, La Ligne de vie, au sein de laquelle elle intervenait après le suicide de sa propre fille. « (Lene Jensen) s’isolait des autres, ne parlait plus à personne, même pas à ses plus proches amis, tout le monde l’agaçait, elle avait du mal à dormir, elle s’était mise à boire plus que de raison et sa vie lui semblait dénuée de sens. » Cette mort la touche donc particulièrement mais sa hiérarchie lui interdit de poursuivre l’enquête, car la jeune femme aurait été en contact avec le kamikaze de l’attentat de Tivoli et la PET, les Services secrets danois, redoutent qu’elle perturbe son travail d’infiltration. Steffen Jacobsen fait plus penser ici à son compatriote Leif Davidsen qu’à Jussi Adler-Olsen, auquel il est comparé en couverture. Utilisation de l’actualité politique nationale et internationale pour tisser une intrigue assez vraisemblable, traitement proche des faits, entre l’espionnage et le policier… En dépit d’une fin très rocambolesque, un bon roman, avec juste un reproche : les terroristes djihadistes apparaissent ici, pour nombre d’entre eux, comme des sortes de super-héros, extrêmement violents, alors qu’ils ne sont la plupart du temps que de super ratés incapables d’entrapercevoir le monde dans sa complexité et, encore plus (ou encore moins), d’y trouver une place un tant soit peu satisfaisante.

 

* Steffen Jacobsen, Le Parc (Gengældelsen, 2014), trad. Caroline Berg, SW Télémque, 2016

La Peau des anges

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Pas de soucis, il y a les bons et les méchants dans La Peau des anges de Michael Katz Krefeld. Et si les gentils s’en sortent avec pas mal de blessures, les méchants perdent. Banlieue de Stockholm, 2013. Le corps d’une femme, le quatrième, est retrouvé dans une casse automobile. À la place de ses yeux, du plâtre, ce qui donne au cadavre à demi-enterré l’allure d’une statue antique. À Copenhague, Thomas Ravnsholdt, dit « Ravn », passe ses journées à boire. L’ex-inspecteur de police ne se remet toujours pas de l’assassinat de sa femme, non élucidé, un an plus tôt. Il était très bien considéré jusqu’alors. « Il ne renonçait jamais, c’était un battant, consciencieux dans son travail et animé par un sens aigu de la justice. » Mais à présent, il s’enivre jusqu’au jour où le patron d’un bar dans lequel il a ses habitudes lui demande de retrouver la fille de sa femme de ménage. D’origine lithuanienne, Masja n’a pas donné de ses nouvelles depuis deux ans. Sa mère ne sait pas quel métier elle exerçait mais visiblement sa fille disposait d’argent. Thomas rechigne d’abord puis accepte de mener l’enquête, qui évolue entre Copenhague et Stockholm. Quelle crédibilité accorder à ce personnage, en congé du commissariat de Copenhague et sans compétences pour intervenir dans celui de Stockholm ? peut s’interroger le lecteur. N’hésitant pas à faire coup de poing, Ravn découvre tout de même que Masja se prostituait au sein d’un réseau animé par des malfrats venus des pays d’Europe de l’Est et qu’elle aurait été vendue à un psychopathe. Né en 1966, auteur de plusieurs thrillers et réalisateur pour la télévision, Michael Katz Krefeld signe là un roman sans grande originalité (violence, sexe, argent, alcool, drogue), sur un sujet déjà traité de nombreuses fois par d’autres auteurs de polars. Difficile d’y voir, comme indiqué en quatrième de couverte, une enquête dans « le monde impitoyable des laissés-pour-compte des sociétés scandinaves ». Plutôt un correct roman policier à l’ancienne qui utilise le monde de la prostitution comme décor, ou, pourquoi pas, si l’on tient à se montrer bienveillant, un pastiche réussi du genre.

 

* Michael Katz Krefeld, La Peau des anges (Afsporet, 2013), trad. Frédéric Fourreau, Actes sud (Actes noirs), 2017

Disparu

Disparu

Dès les premières pages de Disparu le lecteur est happé par l’intrigue, bien construite. Deux histoires, d’abord en parallèle. En 2014, au Danemark, Mogens Slotsholm disparaît : le comptable a auparavant dérobé le contenu du coffre-fort installé dans le bureau de son chef. Vingt-cinq ans plus tôt, en 1989, le lecteur assiste aux opérations d’un membre de la Stasi, la police secrète est-allemande, pour éliminer les opposants au régime. Les deux affaires vont se rejoindre lorsque Thomas « Ravn » Ravnsholdt se met à enquêter sur la disparition du comptable pour les beaux yeux de sa sœur éplorée. Comme dans le précédent volume, ce flic en retrait de ses fonctions n’est pas crédible lorsqu’il intervient là où il le souhaite et notamment auprès des autres policiers, comme ici en Allemagne. Mais ce détail relevé, le reste tient la route. L’action d’un membre de la Stasi au sein de l’Unité Z, « l’unité secrète des services secrets », montre à quel point cette police d’État agissait comme un corps indépendant dans l’ex-DDR. « ...L’État est immortel. (…) Il est supérieur aux individus. » La Stasi agissait avec ses propres règles au nom de la sûreté de l’État. Quand cet État a été dissout, certains de ses membres n’ont pu se réinsérer – prétexte à l’intrigue de Disparu. Entre romans policiers traditionnels et romans d’espionnage, Disparu monte que Michael Katz Krefeld est un auteur avec lequel il faut maintenant compter.

* Michael Katz Krefeld, Disparu (Savnet, 2014), trad. Frédéric Fourreau, Actes sud (Actes noirs), 2020

 

 

La Secte

La secte

Rempli d’humour, ce troisième volume des aventures de l’ex-policier Thomas « Ravn » Ravnsholdt, La Secte, n’est pas sans évoquer les enquêtes de Varg Veum, du Norvégien Gunnar Staalesen. Ici, à Copenhague, un richissime homme d’affaire contacte Ravn, policier démis de ses fonctions après la mort de sa femme Eva, pour retrouver son fils, qu’il n’a pas vu depuis plus de dix ans. Aux dernières nouvelles, celui-ci avait fondé une église, Les Élus de Dieu. « La rupture avec son fils semblait le peiner sincèrement. D’un autre côté, Ravn savait que la peine pouvait évoluer et donner lieu aux réactions les plus étranges : l’obsession, la haine, et même... le désir de vengeance. » Comme à son habitude, Ravn (le « corbeau », en danois) se jette dans la bagarre avec l’énergie du fauché en permanence qu’il est et qui attend le succès d’une enquête pour se remettre à flot. C’est dans un monde glauque déjà arpenté par pas mal d’autres auteurs de romans policiers, où religion et oppression se mêlent, que Michael Katz Krefeld entraîne le lecteur. Comme dans les précédents volumes, les invraisemblances ne manquent pas, mais qu’importe, le charme agit. Ce n’est pas le chef d’œuvre du siècle mais un divertissement plus qu’honnête.

* Michael Katz Krefeld, La Secte (Sekten, 2015), trad. Frédéric Fourreau, Actes sud (Actes noirs), 2022

 

Le Dernier homme bon

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A. J. Kazinski est le pseudonyme de Anders Rønnow Klarlund, né en 1971, et Jacob Weinreich, né l’année suivante. Scénariste et écrivain, Anders Rønnow Klarlund s’est d’abord illustré à la radio avant de devenir producteur pour la télévision danoise (et, en 2000, a remporté un beau succès avec un long métrage fantastique, Posseded). Il s’est fait connaître avec un roman intitulé Les Dévoués. Scénariste, Jacob Weinreich écrit également des romans, dont plusieurs pour la jeunesse. Première collaboration romanesque entre Anders Rønnow Klarlund et Jacob Weinreich, Le Dernier homme bon est un livre de près de six cents pages (en français). L’action, si elle est rapide, va donc pouvoir se déployer. Ainsi, le lecteur fait connaissance avec Niels Bentzon, qui travaille depuis quinze ans à la Criminelle de Copenhague « dont dix en tant que négociateur » : « ‘Maniaco-dépressif.’ Niels (…) savait pertinemment que c’était le terme (que ses collègues, NDA) employaient à son sujet. Et il savait également ce que cela signifiait, pour eux : complètement timbré. Mais il n’était pas maniaco-dépressif. Il lui arrivait juste d’être un peu excité à certains moments et au fond du trou à d’autres. » L’enquête dont il est chargé se passe en plein sommet sur le climat (2009) dans la capitale danoise. Récemment, de par le monde, trente-quatre personnes ont été assassinées. Leurs points communs ? Les cadavres portaient d’étranges marques sur le dos. Ces individus étaient également censés, tous, œuvrer pour le bien de la société. « Enfin, vous savez, des gens qui venaient en aide aux pays du tiers-monde, des médecins, des bénévoles. » La prochaine victime pourrait être tuée à Copenhague, lors de cette manifestation. Niels Bentzon va s’allier à Hannah Lund, astrophysicienne, pour dénouer une énigme surprenante. Au point que Le Dernier homme bon n’appartient finalement que de loin au genre du roman policier, notamment en raison de son dénouement que nous qualifierons de très ouvert. Pas de coupable déclaré ; quant au pourquoi des crimes découverts, le lecteur ne l’apprendra pas.

 

* A. J. Kazinski, Le Dernier homme bon (Den Sidste gode man, 2010), trad. Frédéric Fourreau), JC Lattès, 2011

Trente jours d’obscurité

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« Elle écrit ce genre de livres où un vieil homme boit une gorgée de café et médite dessus pendant quarante pages avant d’en prendre un deuxième. Pendant ce temps, le café a refroidi. Et la plupart de ses lecteurs aussi. » Hannah Krause-Bendix est une « écrivaine danoise quadragénaire » qui prétend n’écrire que de la « vraie littérature ». Légèrement acariâtre, elle vit à Copenhague et en ce moment est plutôt en panne d’inspiration. Lors d’un salon du livre auquel elle se rend sans enthousiasme, elle lance par défi à Jørn Jensen, un célèbre auteur de romans policiers qu’elle exècre, qu’elle est capable d’écrire un polar en un mois. Son éditeur rebondit sur ces propos tenus bien rapidement et la voilà expédiée en Islande, là où « les crimes frappent plus vite que l’éclair », chez l’une des amies de celui-ci. Comme par hasard, le jeune homme qu’elle salue lors d’un match de foot est retrouvé mort le lendemain, apparemment noyé – et c’est Thor, le neveu de Ella, la femme qui la reçoit. Une blessure à la tempe suggère que des coups lui ont été portés. Hannah va mener l’enquête parallèlement au policier local, dépassé. Elle n’a qu’à relater ce qu’elle observe sans même modifier les patronymes, son polar s’écrira ainsi facilement, se dit-elle, convaincue de devenir bientôt « la nouvelle reine du polar scandinave ». Ce qui se révèle pourtant plus difficile qu’elle ne l’escomptait et lorsqu’elle s’adresse à... Jørn Jensen, en visite sur l’île, les paroles qu’il lui lance sonnent justes : « Tu ne comprends pas ce qui se passe autour de toi, tu ne sais plus sur qui tu peux compter. Tu doutes de connaître un jour la vérité sur la mort de Thor. Et tu ne sais pas non plus comment tu vas terminer ton polar. » Argh ! Bien fichu, le roman de Jenny Lund Madsen (née en 1983 au Danemark, scénariste), Trente jours d’obscurité, est aussi plein d’humour et joue avec les codes du genre (évoquant, de loin, le livre de Henrik Lange, Comment écrire un polar suédois). Des pistes s’offrent de tous côtés et le suspense est maintenu jusqu’à la dernière page. Pour se délasser, pourtant, sans plus.

* Jenny Lund Madsen, Trente jours d’obscurité (Tredive dages mørke, 2020), trad. Mathis Ferroussier, Gallmeister, 2022

 

La Fille sans peau

Après le décès de sa femme et de leur future fille dans un accident de la circulation, Matthew Cave, jeune journaliste danois, est affecté au Groenland. À Nuuk, capitale d’un peu moins de 20 000 habitants, en 2014, le corps d’un homme qui semble être un Viking est extrait de la glace. Découverte exceptionnelle, que Matthew compte relater dans la presse. Hélas, le lendemain, le corps a disparu et le policier qui le gardait est retrouvé assassiné, nu et éviscéré. Y aurait-il un rapport avec cette famille assassinée douze ans plus tôt ? Tupaarnaq, la jeune fille accusée à l’époque du meurtre de sa famille, aujourd’hui libérée et revenue à Nuuk, serait-elle coupable ? Avec La Fille sans peau, Mads Peder Nordbo (né en 1970) nous entraîne dans une histoire pleine de rebondissement, qui n’est pas sans évoquer Millénium de Stieg Larsson : un journaliste pâlichon flanqué d’une punkette experte en informatique face à un scandale qui met aux prises personnalités locales et police, sur fond d’incestes de génération en génération... ! Un roman policier de facture très classique, dont l’intérêt réside surtout dans le lieu retenu, le Groenland. L’occasion de leçons d’histoire disséminées au cours du récit : « Matthew avait lu que les Nordiques avaient disparu sans laisser de traces après avoir occupé leurs villages pendant cinq siècles. Qu’un peuple plutôt sédentaire ait abandonné le pays aussi brusquement était assez surprenant. » Mads Peder Norbro, qui a travaillé à la mairie de Nuuk, est diplômé en lettres, communication et philosophie. La Fille sans peau est censé être le premier tome d’une trilogie. À suivre, donc.

 

* Mads Peder Nordbo, La fille sans peau (Pigen uden hud/Niviarsiaq ameqanngitsoq, 2017), trad. Terje Sinding, Actes sud (Actes noirs), 2020

Angoisse glaciale

9782330148522

En 1990, deux personnes sont assassinées sur la base militaire de Thulé. Tom Cave, le présumé coupable a disparu. En 2014, Matthew, son fils journaliste, qui n’a pas vu son père depuis vingt-quatre ans, arrive sur les lieux à la recherche de sa demi-sœur. Angoisse glaciale est à lire dans le prolongement de La Fille sans peau. Le décor est bien restitué, un Groenland où le blanc de la glace peut virer au rouge du sang, celui des phoques ou celui des hommes. L’enquête tourne autour des expériences que des militaires faisaient sur la résistance au froid. Comment survivre lorsque les températures sont largement négatives ? « Quand on supporte bien le froid, on peut partir à la chasse par n’importe quelle température. Et Tom disait aussi qu’il y aurait peut-être un moyen de développer le tourisme. » Qui aurait eu intérêt à interrompre les expériences menées sur des cobayes humains ? « Il s’agissait de défendre les intérêts des États-Unis dans l’Arctique. Et puis, il y avait l’aspect économique... » Sans oublier « la création d’unités d’élite ». Autant de bonnes raisons pour s’intéresser de près à l’expérience en cours et, le cas échéant, la faire capoter. En toile de fond, l’indépendance du Groenland, qui attise bien des convoitises : « ...L’indépendance est impossible. Nous (les États-Unis) ne l’accepterons jamais et le Danemark ne devrait pas l’accepter non plus. Surtout dans un monde instable où la Russie et la Chine montrent leur appétit pour l’Arctique. » Une problématique d’actualité, au-delà de l’enquête, peu palpitante.

* Mads Peder Nordbo, Angoisse glaciale (Kold Angst, 2018), trad. Terje Sinding, Actes sud (Actes noirs), 2021

 

La Mort d’une sirène

Au cas où le lecteur ne l’aurait pas remarqué, l’action de ce livre se passe au Danemark, la graphie du titre français sur la couverture vient le rappeler : Lå Mørt d’une sirène. N’importe quoi, peut-on se dire, mais c’est une mode aujourd’hui (songeons aux romans de Camilla Grebe) pour désigner aux premiers regards une littérature venue du Nord de l’Europe. Cette remarque mise à part, l’idée de faire mener une enquête au plus célèbre auteur danois n’est pas ridicule. H.-C. Andersen a tenu un journal intime sa vie durant, sauf l’année 1834. Pour quelle raison ? C’est ce qu’essaient d’expliquer les auteurs, Thomas Rydahl (né en 1974 et auteur de deux romans publiés en français, Dans l’île et Les Disparus de Fuerte-Ventura) et A. J. Kazinski (pseudonyme de Anders Rønnow Klarlund, né en 1971, et Jacob Weinreich, né en 1972, tous deux par ailleurs auteurs de romans policiers, cf. Le Dernier homme bon, et également sous un autre pseudonyme, Anna Ekberg, cf. La Femme secrète). Quand une prostituée est assassinée dans les bas-fonds de Copenhague, la police arrête le dernier homme vu en sa compagnie, un drôle de gaillard, poète et « découpeur de silhouettes » nullement intéressé par l’acte sexuel, autrement dit il n’est « pas normal » : un « pervers ». La sœur de la victime l’accuse, avant de lui venir en aide parce qu’« elle l’aime bien. Comme un frère. Comme une sœur aime un petit frère un peu bizarre et agaçant. » Risquant la peine de mort, cherchant à se disculper, il lui propose de mener conjointement l’enquête. « Le château du roi. Un tunnel sous la ville. Un assassin animé par le désir. » À ce moment-là, l’histoire perd de son intérêt, pour devenir quelque chose entre le récit d’aventure et le roman policier, la trame historique et les propres écrits d’Andersen en toile de fond. On est vaguement déçu. Heureusement, les dernières pages parviennent à faire le lien avec le futur écrivain et son œuvre.

* Thomas Rydahl/A. J. Kazinski, La Mort d’une sirène (Mordet på en havfrue, 2019), trad. Catherine Renaud, Robert Laffont (La Bête noire), 2020

Le Double était parfait

Le Double était parfait : titre idéal pour un roman policier mais... avec Søren Kierkegaard (1813-1855) dans le rôle principal, qui sait où l’enquête peut mener ? À Copenhague, Mette Rasmussen, directrice de la Fondation Kierkegaard, a été assassinée. Un manuscrit récemment découvert du philosophe, qu’elle étudiait, a disparu. Américain d’origine, Daniel Peters, atteint du syndrome d’Asperger, ami et ex-amant de Mette et narrateur de ce récit, pourrait-il être l’auteur de ce meurtre ? Lui, qui est considéré comme le meilleur traducteur du philosophe en langue anglaise ? Comme Kierkegaard, « je suis un célibataire d’âge moyen, asexué, qui vit seul dans cette ville portuaire et passe le plus clair de son temps en compagnie de mots plutôt que de gens », observe-t-il. Outre l’intrigue policière, qui tient très bien la route, ce roman de Tom Satterlee (né en 1967, lui aussi américain, traducteur et poète) est une façon originale d’entrer dans l’œuvre parfois absconse du célèbre philosophe, donné pour être le père de l’existentialisme. Un roman policier, à l’évidence, mais aussi une biographie de Kierkegaard et une vulgarisation de son œuvre. De fait, un très bon livre.

 

* Thom Satterlee, Le Double était parfait (The Stages, 2013), trad. de l’anglais (États-Unis) Carla Lavaste, Calmann Lévy (Noir), 2019

 

Troubles

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Copenhague, hiver 2007. De graves troubles agitent le quartier populaire de Nørrebro, depuis que les autorités ont décidé d’évacuer la Maison des jeunes, ce grand squat qui abrite une faune hétéroclite. Une vaste zone est surveillée par la police, qui entend retenir les autonomes venus du Danemark et de toute l’Europe pour en découdre. C’est là, dans le cimetière tout proche où reposent H. C. Andersen Dan Turèll ou Søren Kierkegaard, qu’un corps est découvert. Le policier chargé de l’enquête se nomme Axel Steen, il n’a pas bonne réputation parmi ses collègues car trop souvent en marge, dans ses pratiques, avec la légalité, et vit lui-même dans le quartier. « …L’arrivée d’une affaire était comme un ressort qui se tendait en lui. Oubliée l’angoisse physique. Autant il avait une peur panique de sa propre mort, autant il se réjouissait à la perspective d’une affaire de meurtre. C’était pour lui un refuge, une porte qui s’ouvrait sur une partie de la vie à laquelle on n’avait pas accès autrement, sur une obscurité dans laquelle se cachaient des sentiments, des désirs, des envies et des manques dont personne n’avait connaissance. » Voilà, peut-on dire, un policier qui en veut ! L’enquête s’oriente d’abord vers un crime commis par la police, sur fond de trafic de drogues. Les services de Renseignement qui chapeautent les activités des uns et des autres n’entendent pas laisser Axel Steen marcher sur leurs plates-bandes. Mais au fur et à mesure de l’enquête, les choses se complexifient. Polar intéressant, qui aborde plusieurs thèmes (militantisme d’extrême gauche, trafic de drogue, journalisme, guerre des polices) et montre comment ceux-ci peuvent s’entremêler. Né en 1965, journaliste judiciaire et politique au Jyllands posten puis chroniqueur culturel, Jesper Stein a signé quatre romans mettant en scène Axel Steen ; seul celui-ci est traduit en français.

 

* Jesper Stein, Troubles (Uro, 2012), trad. Jean Renaud, Piranha (Black), 2016

Octobre

Excellemment construit, Octobre, de Søren Sveistrup (né en 1968), est un roman que l’on verrait très bien adapté au cinéma ou à la télévision. L’auteur a déjà signé, entre autres, la série télévisée The Killing (Forbrydelsen), une référence. À Copenhague, « de nos jours », des femmes sont assassinées. Elles auraient maltraité leurs enfants, ou fermé les yeux sur les agissements de leur compagnon envers ceux-ci. Auparavant, Kristine, la fille de Rosa Hartung, la Ministre des affaires sociales, a été enlevée et tout laisse à penser qu’elle est morte. Mais les indices que les enquêteurs, la jeune Naia Thulin et le recalé momentané d’Interpol Mark Hess, accumulent, semblent la relier à cette suite d’assassinats. Plus l’enquête avance et plus les deux policiers sont mis à l’écart par leurs collègues, qui estiment avoir très bien fait leur travail alors que nombre de questions restent en suspens, à commencer par celle-ci : Kristine a-t-elle vraiment été tuée ? « Depuis quelque temps déjà, Hess pensait à la mort avec indifférence. Pas parce qu’il n’aimait plus vivre, mais parce que être en vie était devenu trop douloureux. (…) Il en était venu à penser que si la mort devait frapper, elle serait la bienvenue. Mais à présent qu’elle est là (…), il pense différemment. » Fort de plus de six cents pages, ce roman captive d’un bout à l’autre. La traque du « tueur aux marrons » (pourquoi ne pas avoir conservé le titre initial, L’Homme des châtaignes ? trop peu commercial ?), se passe entre feuilles mortes, pluie, neige et... marrons comestibles – ou châtaignes. Un très bon thriller, assurément.

 

* Søren Sveistrup, Octobre (Kastanjemanden, 2018), trad. Caroline Berg, Albin Michel, 2019

Meurtre dans la pénombre

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Dan Turèll (1946-1993) a toujours été un écrivain reconnu et même adulé au Danemark mais en France, on ne le connaît pas beaucoup et c’est dommage. Sans doute a-t-il été publié trop tôt, ici, alors que la mode du roman policier nordique n’avait pas encore commencé. On trouve de lui trois romans : deux, initialement publiés chez Ginkgo, ont été réédité chez L’Aube, dont l’un sous un nouveau titre (Meurtre à l’heure de pointe et Mortels lundis devenu Minuit à Copenhague) et le troisième, directement publiés chez L’Aube, Meurtre dans la pénombre. Mais la série (intitulée Mordserie) qui met en scène un journaliste jamais nommé, sorte de double de l’auteur, compte treize titres, publiés au Danemark de 1981 à 1990, et au rythme de leur parution, il n’est pas certain que les premiers lecteurs français de Dan Turèll soient encore vivants lorsque le dernier titre sera en librairie. À l’instar de Varg Veum, le privé du Norvégien Gunnar Staalesen, le héros de Dan Turèll est un solitaire, calqué sur certains enquêteurs américains, qui apprécie la gent féminine, l’alcool et le jazz. Il aime aussi émailler ses propos d’humour et ne rechigne pas à se montrer poète lorsque la situation l’exige. La parenté entre les deux personnages est donc patente. Les milieux dans lesquels ils mènent leurs enquêtes diffèrent, Copenhague n’est pas Bergen, mais les marginaux de tous poils semblent les attirer irrésistiblement dans leurs filets. Dan Turèll, heureux mélange d’humour, de poésie et de catastrophe… et assurément l’un des plus séduisants auteurs de romans policiers danois.

 

* Mortels lundis (Mord ved runddelen, 1983), trad. Sophie Grimal et Frédéric Gervais, Le Griot/Ginkgo, 1995 ; rééd. sous le titre Minuit à Copenhague, mêmes traducteurs, L’aube (polar, poche), 2012

* Meurtre à l’heure de pointe (Mord i myldretiden, 1985), trad. Orlando de Rudder et Nils Ahl, Ginkgo, 2003

* Meurtre dans la pénombre (Mord i mørket, 1981), trad. Nils C. Ahl, L’aube (polar), 2013

Le Souffle du diable

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Maja Nielsen, une jeune femme « tout à fait normale passionnée de chant », qui « allait à l’école de musique » dans le « département jazz », est retrouvée morte, vraisemblablement assassinée, dans un parc du centre de Årrhus. Nièce du policier qui l’a découverte, elle était travailleuse sociale. Peu après, une autre jeune femme, Anja Mikkelsen, militante de la cause animale, est renversée par une voiture. Acte volontaire ? Daniel Trokic est chargé de l’enquête. Assez rapidement, les policiers sont convaincus que les deux affaires sont liées. Comme dans les volumes précédents, Trotkic est un policier qui se sent seul, dans ce pays d’accueil qu’est pour lui le Danemark. Victime des exactions commises pendants la guerre entre les Serbes et les Croates, sa famille a été décimée et aujourd’hui, il tente de retracer le parcours de sa cousine : a-t-elle été violée et assassinée par les Serbes ou s’en est-elle sortie ? Le Souffle du diable est un roman pas des plus originaux mais plaisant à lire, les personnages occupent intelligemment leur place, l’intrigue (avec son retournement final) tient la route, on se laisse facilement séduire.

 

* Inger Wolf, Le Souffle du diable (Sangflugen, 2009), trad. Laila F. Thullesen & Christine Berlioz, Mirobole, 2017